Une vente immobilière peut révéler l’annexion irrégulière d’une partie commune à un appartement depuis de nombreuses années. Comment régulariser cette situation ? Réponse d’Amandine Labro Avocate au Barreau de Paris.


Plusieurs solutions existent pour régulariser l’annexion notamment le constat par l’Assemblée générale des copropriétaires ou par un tribunal de l’acquisition de la partie commune par le jeu de la prescription dite «trentenaire acquisitive ».

Situation

Un vendeur a accepté l’offre d’un acquéreur portant sur son appartement. Or, le notaire de l’acquéreur a découvert que l’entrée de l’appartement était une partie commune et qu’elle ne pouvait donc pas être incluse dans la surface dite « loi CARREZ ».

  • L’acquéreur somme le vendeur de régulariser la situation avant d’acquérir son appartement.
  • A défaut, il menace de retirer son offre ou de proposer un nouveau prix.
  • Le vendeur s’aperçoit que ledit palier a été vendu par erreur pendant des années avec son lot de copropriété.
  • Lorsqu’il a acquis l’appartement, ledit palier était d’ailleurs inclus dans la surface de vente.
  • Il ne lui a pas été indiqué à l’époque qu’il s’agissait en réalité de l’annexion irrégulière d’une partie commune.

Comment régulariser ?

Solution

1ère étape : Se référer au règlement de copropriété et à l’état descriptif de division pour vérifier si le palier/couloir/entrée constitue une partie commune.

2° étape : Demander au notaire de se procurer l’intégralité des titres de propriété de l’appartement ainsi que les plans d’origine et modificatifs de l’immeuble et vérifier si ladite partie commune a été vendue avec l’appartement depuis 30 ans voire plus.

3° étape : Si c’est le cas, il est conseillé de se rapprocher d’un professionnel du droit afin d’étudier l’opportunité d’acquérir le palier/couloir/entrée par le jeu de la prescription dite « acquisitive ».

En effet, aux termes des articles 2258 et suivants du Code Civil, un copropriétaire peut revendiquer la propriété d’une partie commune de l’immeuble sur laquelle il a, dans les conditions légales, exercé des actes de possession lui ouvrant le bénéfice de la prescription trentenaire.

Il n’est pas exigé que le copropriétaire ait possédé lui-même durant ledit délai. Effectivement, au regard de l’article 2265 du Code Civil, pour compléter la prescription, il « peut joindre à sa possession celle de son auteur, de quelque manière qu’on lui ait succédé, soit à titre universel ou particulier, soit à titre lucratif ou onéreux ».

Au regard de l’article 2272 du Code Civil alinéa 2, il est aussi possible d’invoquer la prescription abrégée sur justification de sa bonne foi et sur production d’un juste titre.

Pour prescrire, le copropriétaire doit justifier d’une possession :

  • paisible,
  • publique,
  • continue,
  • non équivoque.

Il doit aussi justifier s’être comporté comme le propriétaire et donc rapporter la preuve d’actes de possession.

A titre d’exemple, dans un arrêt du 6 Novembre 2020[1], la Cour d’Appel de Paris a considéré que la possession d’un palier par les propriétaires successifs de deux lots réunis pour ne former qu’une seule unité d’habitation était « continue, non interrompue, paisible, publique et non équivoque ».

L’acquisition du palier par possession a été reconnue par le Tribunal.

Dans les autres cas, il sera nécessaire d’acquérir ledit palier (moyennant un prix) auprès de la copropriété pour régulariser la situation.

4° étape : Il peut être établi par un notaire un acte de notoriété acquisitive constatant le jeu de la prescription. Cette formalité n’est cependant pas obligatoire. Il arrive d’ailleurs que certains notaires ne dressent pas ce type d’acte.

Dans cet acte, le notaire devra y faire figurer tous les faits matériels constatant que la prescription est accomplie et y annexer les attestations de témoins, les photographies, les factures de travaux etc…

5° étape : Mandater un géomètre afin qu’il constitue un lot privatif, assorti de tantièmes de copropriété et de charges, et établisse un projet modificatif à l’état descriptif de division et au règlement de copropriété.

6° étape : Demander aux copropriétaires réunis lors d’une assemblée générale de constater le jeu de la prescription au profit du propriétaire concerné et d’approuver le projet de modification du règlement de copropriété et de l’état descriptif de division.

Attention, il est fortement conseillé de faire rédiger la résolution par un professionnel du droit (avocat…).

Tout refus de l’assemblée générale devra être contesté dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal de l’assemblée générale afin que la juridiction judiciaire constate l’acquisition par prescription acquisitive.

7° étape : Un notaire doit procéder à la publication de l’acte de notoriété acquisitive et à la publication de l’acte modificatif de l’état descriptif de division et au règlement de copropriété.

8° étape : Etudier avec un professionnel du droit (avocat) l’opportunité d’engager la responsabilité du notaire et autres intervenants à la vente initiale en réparation des frais engagés pour régulariser.

 

[1] Cour d’appel de Paris, 6 novembre 2020, 16/080877

Amandine Labro

Avocate au Barreau de Paris depuis 2013 et ancienne chargée d’enseignement à l’Université, Amandine Labro exerce essentiellement en droit immobilier et commercial. Elle plaide dans toute la France dans des contentieux portant sur des ventes immobilières, des problèmes locatifs (impayés, squats, expulsions), le droit du voisinage (troubles anormaux du voisinage), le droit de la copropriété (référés préventifs et expertises, annexions de parties communes, travaux sans autorisation…) et le droit commercial (recouvrement de créances, manquements contractuels, ruptures de contrats commerciaux).



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