Son installation en 1925, à Grenoble, avait été un tour de force. Avec sa pointe culminant à 95 mètres, cette réalisation venait s’inscrire dans le cadre de l’organisation d’une exposition internationale dans la ville sur les thèmes de la houille blanche (à savoir l’hydroélectricité) et du tourisme. Et pour cela, Grenoble recherchait des entreprises capables de réaliser ce monument en «béton de ciment armé». La société Perret frères sélectionnée en mai 1924 a mis tout juste 11 mois pour livrer le monument sachant qu’une tour entièrement en béton de ce type constituait une première pour l’époque et que l’exposition s’ouvrait en octobre 1925.

«Cette tour a été réalisée 30 ans avant la tour Perret d’Amiens, rappelle Claus Habfast, adjoint à la mairie de Grenoble, en charge de ce dossier. Elle a permis l’envol d’Auguste Perret en tant qu’architecte reconnu internationalement mais elle a aussi fait rentrer Grenoble dans la modernité.» Par la suite, l’architecte sera reconnu comme l’un des maîtres du béton et marquera durablement de son empreinte la ville du Havre. Pourtant, l’audace et la rapidité de réalisation de la tour de Grenoble pour un architecte et une technique encore jeunes, n’a pas eu que des avantages. Les arbres centenaires du parc Paul-Mistral ont bien mieux vieilli que la tour qui y est implantée. La construction s’est rapidement mise à pencher, ce qui posait problème aux ascenseurs, sans parler du vieillissement prématuré de la structure. Résultat: les lieux ont été fermés au public dès 1960 pour motifs de sécurité.

150 ans de la naissance de l’architecte

Classée monument historique depuis 1998, la tour va devoir attendre son centenaire, à la fin de l’année prochaine, pour retrouver enfin tout son éclat. Elle s’offre notamment une cure de jouvence lancée en septembre 2023 et réalisée par François Botton, architecte du Patrimoine, avec pour objectif de redevenir une tour d’observation dans les mêmes conditions que lors de son ouverture. Cette réouverture offrira au public une occasion unique de redécouvrir ce chef-d’œuvre du patrimoine architectural, au moment où l’on célébrera également le 150e anniversaire de la naissance d’Auguste Perret.

«Le vingtième siècle a vu l’essor du béton armé, porté par des visionnaires comme Auguste Perret, qui en a fait un matériau «vrai», symbole de durabilité et d’innovation, explique François Botton. La Tour Perret de Grenoble, première tour en béton armé, est un manifeste de ce potentiel, conçue pour dépasser la fragilité des structures métalliques. Cependant, la conservation de ce matériau récent s’est révélée complexe, nécessitant une révision des techniques et des approches initiales.» Après avoir stabilisé l’édifice en reprenant les fondations, l’architecte s’est attaqué aux huit piliers qui soutiennent la structure. L’enrobage du métal manquait globalement d’épaisseur mais pour éviter de changer les proportions du monument, l’armature sera remplacée par une version plus fine mais tout aussi résistante permettant de gagner en épaisseur de béton.

Un chantier à 15,5 millions

Pour compléter le tout et garantir la durabilité de la rénovation, l’architecte a opté pour l’installation d’une protection cathodique par courant imposé. Un terme barbare pour une technique consistant à injecter du courant électrique dans la structure métallique afin de protéger les parties de la tour dont le béton est particulièrement vulnérable. Cette méthode doit permettre de stabiliser la corrosion et gagner grandement en longévité. Et en clôture de tous ces travaux, les ascenseurs d’origine bénéficieront d’une nouvelle motorisation. «Les ascenseurs n’ont servi que 36 ans, ils étaient encore en bon état, souligne François Botton. Ce sera un véritable voyage dans l’espace et dans le temps.» Les visites devraient normalement se passer avec une montée en ascenseur et une descente à pied, les plus sportifs graviront à pied les 550 marches de l’édifice.

Ce vaste projet, d’un montant de 15,5 millions d’euros, est orchestré par la Ville de Grenoble en collaboration avec l’État (pour 5 millions d’euros) et le Département (3 millions d’euros). Par ailleurs, du mécénat d’entreprise ainsi qu’une souscription populaire (avec la possibilité d’adopter un claustra, ces ouvertures de la tour laissant passer la lumière) viendront compléter le financement. Quant à l’accès à la tour, il restera limité à 50 personnes à un instant T et seulement 19 personnes au maximum sur la plateforme d’observation. Côté tarif, la ville de Grenoble vise un prix d’entrée autour de 5 euros pour «rester abordable et permettre à la population de découvrir ce monument et cette vue.».

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