Cela fait deux ans que Caroline tente de récupérer lâimmeuble ( qui comprend trois logements, deux surfaces de bureau et un grand atelier) dont elle est propriétaire à Montreuil, en Seine-Saint-Denis (93). En vain. La justice lui a pourtant donné raison (la dernière décision date dâaoût dernier) et ordonné lâexpulsion des 50 personnes sans-papiers qui occupent illégalement sa propriété. Pour quelle raison la situation ne sâaméliore-t-elle pas? Le préfet nâest pas intervenu pour faire appliquer la décision de justice et expulser les squatteurs présents dans les lieux depuis le 12 juin 2022. Et pourtant, une nouvelle procédure accélérée permet de récupérer son logement squatté en 72 heures seulement.
Cependant, la préfecture peut refuser dâexpulser des squatteurs, si elle motive son refus. Elle peut invoquer lâintérêt général et le maintien de lâordre public par exemple. De même la présence dâenfants en bas âge, de personnes âgées, malades ou en situation de handicap, peut rendre lâexpulsion plus délicate. Dans le cas de Caroline, «il ne reste que quelques femmes avec des enfants», confie-t-elle au Figaro. Le préfet peut aussi ne pas répondre. La loi prévoit que «le défaut de réponse équivaut à un refus» (article R153-1 du Code des procédures civiles dâexécution). Or, le délai imparti pour la réponse du préfet est désormais de 48 heures. «Si le préfet refuse dâaccéder à la demande du propriétaire, ce dernier a deux mois pour contester la décision. On peut supposer que le silence vaut refus avec ce nouveau délai et que cela ouvre également une procédure de contestation de deux mois», explique Me Romain Rossi-Landi, avocat en droit immobilier, spécialiste des squats. Environ 40% des affaires de squats soumises aux préfets en 2021 et déjà examinées, nâont pu être réglées en 72 heures, selon les chiffres transmis par le ministère du Logement au Figaro.
Des associations de défense des sans-papiers font rempart
Caroline assure quâ«à ce jour, la préfecture ne mâa donné aucune raison justifiant sa non-intervention». Elle a été reçue par la préfecture en septembre mais cette dernière lui a expliqué que seul le préfet pouvait demander lâintervention des forces de lâordre. Des associations de défense des sans-papiers soutiennent les occupants illégaux. «Les associations me disent Madame vous nâêtes plus chez vous», sâinquiète Caroline. La préfecture souhaite peut-être éviter de froisser les associations, ce qui expliquerait son inaction. Des bénévoles, qui avouent être eux-mêmes des squatteurs, ordonnent même aux journalistes de CNews, en pleine interview avec la propriétaire, de sâen aller: «Vous êtes devant chez des gens, vous les embêtez. Donc, on vous demande de partir».
La préfecture de Seine-Saint-Denis, contactée par Le Figaro, nâa pas répondu à nos sollicitations. «Les squats de logement ennuient les préfets plus quâautre chose», déplore un avocat. «Ãvacuer des squatteurs peut générer des troubles à lâordre public. Or, le maintien de lâordre public est notre mission prioritaire», confie un policier. Le préfet est pourtant obligé de lui accorder le concours de la force publique après la décision de justice favorable à la propriétaire, selon Me Romain Rossi-Landi. Il reconnaît toutefois que «le préfet de la Seine-Saint-Denis a toujours beaucoup de mal à accorder le concours de la force publique aux victimes de squat».
Caroline est complètement désemparée: «Je fais tout ce quâil faut faire, dans les règles». Et pourtant, rien ne bouge. Elle continue de payer les charges et les consommations dâeau des squatteurs. Et craint de devoir payer pour les imprudences des squatteurs qui ont construit un mur à lâintérieur de la propriété. «Si le mur sâeffondre sur un des enfants câest moi qui irais en prison câest personne dâautre donc moi je le vis très très très mal», se lamente-t-elle. Elle souhaite vendre lâimmeuble mais ne parvient pas à conclure la vente à cause du squat du bien. Le compromis de vente avait été signé avant le squat mais 15 jours plus tard, le bâtiment a été occupé illégalement. Une situation qui lui semble inextricable. «Je suis dans une impasse. Toutes les décisions de justice me sont favorables mais elles ne sont pas exécutées. La justice fait son travail correctement mais ses décisions ne sont pas appliquées. Je suis prise en otage entre des squatteurs et une préfecture qui nâintervient pas», conclut-elle.