Ce mercredi 4 décembre, 331 députés ont voté la motion de censure déposée par le Nouveau Front populaire, précipitant ainsi la chute du Gouvernement Barnier. Une mauvaise nouvelle pour le secteur de l’immobilier, alors que le marché commençait tout juste à afficher des premiers signes de reprise et que les professionnels attendaient beaucoup des mesures prévues au projet de loi de Finances pour 2025.


Après l’annonce par le Premier ministre du recours à l’article 49.3 pour l’adoption, par l’Assemblée nationale, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, deux motions de censure avaient été déposées le 2 décembre. Adoptée par 331 voix sur les 288 requises, la motion de censure entraîne aujourd’hui non seulement la démission du Gouvernement Barnier, mais elle suspend également la procédure d’adoption de l’ensemble des textes budgétaires en cours d’examen par le Parlement, dont le projet de loi de finances (PLF) pour 2025.  « La censure du gouvernement serait une catastrophe », avait anticipé Valérie Létard, ministre du Logement et de la Rénovation urbaine, le 28 novembre dernier, dans le cadre d’une interview diffusée sur Sud Radio. Et pour cause, avec la suspension du projet de loi de finances, plusieurs mesures qui étaient censées relancer le secteur de l’immobilier, sont désormais balayées :

  • L’élargissement du prêt à taux zéro (PTZ) pour tous types de biens et à l’ensemble du territoire

Il y a un an, les conditions d’accès au PTZ, qui aide les primo-accédants dont les revenus ne dépassent pas un certain plafond à financer leur premier achat immobilier, avaient été restreintes. Un resserrement des conditions d’accès qui avait mécaniquement entraîné une chute du recours à cette aide. Pour y remédier,  un amendement du gouvernement au PLF prévoyait de rouvrir le PTZ à l’achat de maisons individuelles et aux acquisitions en zones détendues, à partir du 1er février 2025.

  • L’exonération fiscale de droits de succession sur l’immobilier

Cette nouvelle niche fiscale prévoyait d’exonérer les dons d’argent jusqu’à 100 000 euros en faveur d’un descendant (enfant, petit-enfant, neveu ou nièce), à condition que cet argent serve à construire, acheter ou rénover une habitation, qu’il devra s’engager à conserver ensuite pendant au moins trois ans. L’objectif ? Relancer le marché de l’immobilier.

  • La prolongation du dispositif Pinel

Après dix ans d’existence, le dispositif Pinel, qui permet d’obtenir des réductions d’impôt pour les investisseurs dans l’immobilier locatif, doit prendre fin au 31 décembre 2024. Dans un contexte de crise du logement, les députés, comme les sénateurs, avaient voté dans le cadre du projet de loi de finances la prolongation du dispositif Pinel pour un trimestre, jusqu’au 31 mars 2025.

  • L’aménagement du calendrier d’interdiction de location des passoires thermiques

Alors que les logements dont le DPE est G seront interdits à la location dès le 1er janvier 2025, une proposition de loi déposée par les députés Bastien Marchive et Iñaki Echaniz devait venir assouplir le calendrier. Cette dernière avait pour objectif de prolonger temporairement la possibilité de louer des logements classés G, si des travaux de rénovation sont en cours ou si des blocages persistent au sein de la copropriété quant à la réalisation de ces travaux. En raison de la motion de censure, le calendrier initial d’interdiction de location des passoires thermiques s’appliquera dès le 1er janvier prochain.

Une mauvaise nouvelle qui replonge les professionnels du secteur dans l’incertitude

Confrontés depuis plusieurs mois à une chute d’activité sans précédent, les promoteurs et constructeurs, mais aussi les agents immobiliers, attendaient beaucoup de ces mesures pour relancer un marché immobilier encore fragile. Avec la chute du gouvernement de Michel Barnier, le secteur du logement repart ainsi pour une nouvelle période d’incertitudes. « La censure engagée contre le Gouvernement Barnier risque d’avoir des répercussions majeures sur le secteur du logement. Je lance un appel à la responsabilité et à la concertation de l’ensemble des formations politiques représentées au Parlement. Le logement, pilier de l’économie nationale et du quotidien des Français, ne peut rester otage de ce qui semble être un blocage institutionnel ! », déclare Guillaume Martinaud, Président de la coopérative Orpi.

Alors que les professionnels de l’immobilier avaient le sentiment d’avoir enfin une ministre du Logement consciente des enjeux pour le secteur, la déception est aujourd’hui palpable. « Nous avons le sentiment que nous venons encore de perdre quatre mois à un moment où la reprise du marché reste fragile. Cette situation risque de générer encore de l’attentisme de la part des acheteurs, qu’ils soient primo, secundo-accédants ou investisseurs car ils ont besoin de visibilité et de confiance en l’avenir pour se projeter sur un achat immobilier », analyse Brice Cardi, président de l’Adresse.

L’inquiétude est également de mise au sein de la Fédération des Constructeurs de Maisons Individuelles : « Au moment où les bonnes décisions semblaient être enfin prises, avec un élargissement du PTZ en faveur des primo-accédants sur l’ensemble du territoire et quelle que soit la forme d’habitat, tout est potentiellement remis en question par une censure du gouvernement ! », regrette Damien Hereng, son président.

De son côté, la Fédération française du Bâtiment prévoit le chaos pour la filière de la construction.  « Le point de bascule s’approche violemment pour le logement en France comme pour les artisans et entrepreneurs du bâtiment. Chaque jour compte à présent et la FFB en appelle à la responsabilité. Nous souhaitons que les mesures logement du projet de loi de finances pour 2025 telles que débattues au Sénat soient mises en œuvre au plus vite, quitte à ouvrir des débats pour aller plus loin ou s’engager sur d’autres sujets, comme le statut du bailleur privé, dès le début 2025 », alertait Olivier Salleron, son président, dans un communiqué, en amont du vote de la motion de censure.

Taux immobiliers : vers une instabilité ?

Autre mauvaise nouvelle pour le marché immobilier, cette instabilité politique fait craindre une réaction des marchés et une hausse des taux d’emprunt d’Etat qui pourrait entraîner dans son sillage les taux de crédit. Un véritable coup dur alors que la baisse continue de ces taux depuis près d’un an commençait tout juste à porter ses fruits et à redonner une bouffée d’oxygène à un marché à la peine depuis deux ans.

Même si la vigilance est de mise, Sandrine Allonier, porte-parole de Vousfinancer, se veut rassurante : « Dans le contexte actuel avec les baisses récentes successives des taux de la Banque centrale européenne, et une prochaine baisse probablement le 12 décembre, ainsi qu’une volonté forte des banques de prêter dont les objectifs de production de crédit pour 2025 sont supérieurs à cette année, il est probable que l’impact sur les taux de crédit reste limité. Aucune banque n’a pour l’instant évoqué de remonter ses taux de crédit. »

« L’instabilité n’est jamais une bonne nouvelle, mais les marchés sont assez résilients. Cela pourrait tout de même limiter les baisses de taux qui étaient anticipées jusque-là », estime de son côté Laure Martino, directrice des partenariats bancaires de Cafpi.

Pour rappel, l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale en juin dernier et les élections qui avaient suivi n’avaient finalement pas eu d’impact sur les taux des crédits immobiliers.

Politique du logement : et maintenant ?

Pour finir sur une note positive, rappelons également que même si l’ensemble des textes en cours d’examen par les parlementaires sont aujourd’hui à l’arrêt à la suite du vote de la motion de censure, rien n’empêche le prochain gouvernement d’en repêcher certains. Les textes pourront ainsi être de nouveau débattus en séance, et amendés. « Même si la perspective d’un budget réitérant celui de 2024 devient très probable, il faut déjà travailler à une loi de finances rectificative au début de 2025, reprenant les mesures auxquelles Valérie Létard a travaillé avec cœur et lucidité, donnant de l’espoir aux entreprises de la filière comme aux Français », rappelle ainsi Henry Buzy-Cazaux, président de l’IMSI. Et de conclure : « Pourquoi même la ministre du Logement, appréciée de toute la classe politique, ne serait-elle pas confortée dans sa fonction? La communauté des acteurs du logement l’appelle de ses vœux. Dans cette période de surdité démocratique, il serait heureux que cette supplique fût entendue du prochain Premier ministre ». A bon entendeur…

Découvrez le discours de Valérie Létard, ministre du Logement, à l’Assemblée nationale le 4 décembre, dans le cadre des questions au Gouvernement (à la 39,42 minutes) :

 

 

 

Stéphanie Marpinard

Après avoir évolué pendant 10 ans au sein d’un groupe spécialisé dans les médias étudiants, l’orientation professionnelle et la gestion de carrière, en tant que rédactrice en chef adjointe, Stéphanie Marpinard a choisi de travailler à son compte et collabore depuis à différents médias. Ses domaines de prédilection sont entre autres l’immobilier, l’emploi et les ressources humaines.

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