Des dizaines de barres dâimmeubles avec vue imprenable sur la mer construites sur une dune de sable. Le développement urbain effréné de Valparaiso, lâune des régions les plus touristiques du Chili, est aujourdâhui sous la menace climatique, avec le risque dâeffondrement de plusieurs édifices. Un trou béant de 15 mètres de long et 30 mètres de profondeur sâest ouvert dimanche sous les fondations de lâimmeuble Euromarina II à Reñaca, la station balnéaire la plus huppée de Viña del Mar, à 120 km de Santiago. Les 200 appartements sur 13 étages, construits en 2017 en seconde ligne et dont certains coûtent jusquâà 500.000 dollars, ont été évacués face au risque dâeffondrement.
Sergio Silva, 77 ans, est revenu pour charger quelques biens dans une voiture, alors que de nouvelles pluies sont annoncées. «Nous évacuons certaines choses importantes, pas tout (…) Tout le monde a évacué, par sécurité» et parce que lâapprovisionnement en eau potable était coupé, explique-t-il. Certains habitants de lâimmeuble situé en-dessous dâEuromarina II, au niveau de la mer, ont également évacué, de peur que cette résidence ne sâécroule.
Des risques gigantesques
«Plusieurs sont partis par précaution. Ceux dâentre nous qui restent se sont préparés à devoir évacuer dâurgence», souligne Claudio Camus, un résident de 43 ans. En août et septembre 2023, deux glissements de terrain ont sapé les fondations de trois autres immeubles: le Kandinsky, le Miramar-Reñaca et le Santorini. La route côtière a même un temps été coupée.
Euromarina II est situé sur un champ de dunes de 28 hectares qui, jusquâen 1994, faisait partie dâun sanctuaire naturel protégé. Mais une modification des règles dâurbanisme a autorisé la construction de 44 immeubles de luxe. «Les risques pris en construisant ici sont gigantesques», estime Macarena Ripamonti, la maire de Viña del Mar. Le terrain était public mais «il a été vendu de manière éhontée et il a été possible de lâurbaniser parce quâil y a eu une autorisation de réduire le secteur protégé du champ de dunes», explique-t-elle.
Manque de collecteurs dâeau de pluie
Lâexplosion de lâurbanisation au cours des 20 dernières années sur ces dunes nâa pas pris en compte les phénomènes climatiques extrêmes qui sâintensifient, conséquence du phénomène El Niño ou des effets du changement climatique. «Câest un secteur fragile qui aurait dû être préservé», estime Ivan Poduje, urbaniste et candidat à la mairie de Viña del Mar. «Ce qui a été fait ici, câest essentiellement dâenfreindre une vilaine règle (…) qui a permis de construire trop de bâtiments. Indéniablement il y a eu de très mauvais choix urbanistiques», ajoute-t-il.
Le manque de collecteurs dâeau de pluie est également pointé pour expliquer les ravines créées sur les pentes sableuses. «Le réseau de collecteurs est vite débordé (…) Avec 42, 43 bâtiments, dans une zone avec une telle pente et une telle fragilité», explique Ivan Poduje. Pour Luis Lopez, ingénieur en construction et professeur à lâuniversité catholique de Valparaiso, une solution existe cependant: «Changer la disposition des collecteurs et amener le drainage de cette partie de la ville vers dâautres secteurs qui ne présenteraient pas de risques pour les bâtiments et nâaffecteraient pas la dune». Si des travaux structurels peuvent éviter une potentielle catastrophe, la maire de Viña del Mar est aujourdâhui catégorique: «Jamais je ne permettrai quâun autre bâtiment ne soit construit ici».