Situé en face du marché de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), cet immeuble avec sa façade atypique a suscité quelques interrogations puis de la curiosité de la part du voisinage. Il faut dire que lâutilisation du pisé, ce mode de construction en terre cru, a beau être ancestrale, elle reste peu fréquente sous nos latitudes. Câest le bailleur social Seine Ouest Habitat et Patrimoine qui a tenté lâexpérience en faisant travailler le jeune cabinet Déchelette Architecture qui compte déjà une référence en terre crue, la Casa Franca, que le Figaro immobilier avait visitée il y a quelques mois.
Après avoir procédé de manière plutôt artisanale à Paris, avec une façade réalisée longuement sur place, Emmanuelle et Philibert Déchelette ont voulu travailler de façon plus «industrielle» et moins coûteuse pour ce projet dâimmeuble. Ils ont eu recours pour cela à une société spécialisée, toute jeune elle aussi, du nom de Terrio qui se présente comme «fabricant français de blocs en pisé préfabriqué».
Des panneaux de 800 Ã 1200 kg
Lâavantage de cette technique, câest que la fabrication des blocs peut être lancée immédiatement en usine dès le début du chantier, sachant quâil faut compter 3 mois de séchage. Ensuite, ces panneaux de 50 cm dâépaisseur pesant 800 à 1200 kg sont acheminés et assemblés sur le chantier. La société de gros Åuvre «traditionnelle» STM-LBTP a été formée par Terrio pour assurer le montage de ces panneaux de terre. «Câest un matériau exceptionnel, sâenthousiasme Bastien Neufeind, cofondateur de Terrio. Ce sont des terres dâexcavation ou de chantier, il nây a donc pas dâexploitation de ressource pas plus que de cuisson, câest recyclable à lâinfini. Et la terre offre un grand confort dâété. Son seul impact carbone est lié au transport.» Problème: la technique reste encore coûteuse, même si Terrio estime que lâindustrialisation du processus va permettre de réaliser de grosses économies et que ses coûts ont déjà été divisés par deux depuis sa création lâan dernier.
«Le coût global des travaux à 3000 â¬/m² reste élevé, reconnaît lâarchitecte Philibert Déchelette. Câest aussi pour cela que nous nâavons quâune façade en terre, celle sur cour étant recouverte dâun bardage bois. La structure de lâimmeuble est en bois CLT, la cage dâescalier a dû être faite en béton pour répondre aux demandes des pompiers et le soubassement est en pierre pour éviter lâhumidité.» Lâeau reste le seul ennemi des façades en terre et il faut donc leur donner des formes simples évitant toute rétention dâeau et sâassurer que les débords de toit sont assez importants pour éviter les ruissellements. Ces contraintes nâempêchent de donner un peu dâoriginalité à la façade, avec ce biais des encadrements de fenêtres orienté vers le sud pour faire entrer un maximum de lumière.
Terrain à 1 euro
«Nous avons retenu ce projet sur concours car lâutilisation de la terre crue nous semblait ultra-intéressante dâun point de vue environnemental avec cet aspect bas carbone, explique Anthony Cotteverte directeur du développement de Seine Ouest Habitat et Patrimoine. Câétait vraiment lâoccasion de tester ce mode de construction à petite échelle en restant ambitieux du point de vue architectural.» Il faut dire que le projet a été choyé par la ville de Boulogne-Billancourt qui a mis à disposition le terrain (qui accueillait auparavant une pizzeria) pour un euro symbolique tout en accordant 670.000 euros de subventions à cette réalisation. Les lieux accueillent désormais un chocolatier artisanal de la ville au rez-de-chaussée et 8 petits logements sociaux T1 bis sur ses 4 étages supérieurs. La terrasse végétalisée au sommet ne sera pas accessible. Côté loyer, il faudra compter de 7 à 14 euros le mètre carré selon les ressources du locataire.