La règle est inscrite noir sur blanc dans le code de la route depuis des années et a été mise à jour récemment. Pourtant, la plupart des conducteurs l’ignorent.
Dans le labyrinthe du code de la route français, qui compte plus de 2000 pages et des milliers de lignes, se cachent quelques subtilités. Si certaines sont bien connues, comme l’interdiction de s’engager dans un carrefour encombré ou l’autorisation pour les cyclistes d’emprunter certains sens interdits, d’autres peuvent surprendre les conducteurs. L’une d’entre elles peut même couter très cher aux contrevenants : jusqu’à 750 euros d’amende.
Cette subtilité a récemment desservi Monsieur D, lors d’un accident avec une voiture. L’accident est survenu lorsque Monsieur D, à scooter, roulait derrière une Audi. Subitement, la voiture a ralenti pour tourner à gauche sans clignotant. Monsieur D juste derrière l’Audi n’a pas pu éviter la collision. L’on pourrait croire que Monsieur D est dans son bon droit et n’a pas pu anticiper la réaction subite de l’Audi. Et pourtant. En 2023, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a tranché : il est en tort.
Au cœur de cette affaire se trouve l’article R413-17 du code de la route, récemment modifié par décret en juillet 2023. Cet article oblige tout conducteur « à rester constamment maître de sa vitesse et de régler cette dernière en fonction de l’état de la chaussée, des difficultés de la circulation et des obstacles prévisibles ».
C’est précisément ce point qui a joué en défaveur de Monsieur D. Il n’avait pas anticipé que le véhicule devant lui pourrait freiner rapidement pour tourner à gauche. La justice a considéré qu’il s’agissait pourtant d’un obstacle prévisible.
L’article R413-17 précise que même dans des conditions optimales – bonnes conditions atmosphériques, trafic fluide, véhicule en bon état – les conducteurs doivent rester vigilants face aux obstacles prévisibles. Cela inclut la présence de cyclistes, d’animaux en bordure de route, l’approche de côtes ou encore les croisements avec d’autres véhicules.
Ce dernier point est particulièrement méconnu. Si les conducteurs ont l’habitude de ralentir aux carrefours pour respecter les priorités à droite, peu d’entre eux le font sur les voies prioritaires comme les routes nationales. L’infrastructure est pourtant conçue pour que le conducteur prioritaire n’ait pas à freiner.
Jacques Robin, ingénieur routier et expert en accidentologie, tire la sonnette d’alarme sur cette situation. Sur son site sécurité-routière-plus.com, il préconise de ralentir à chaque intersection où un véhicule attend de s’engager. Selon lui, de nombreux facteurs peuvent pousser un conducteur à ne pas respecter le stop : distraction, alcool, éblouissement par le soleil, mauvaise appréciation, problèmes de vue, ou encore un moteur qui cale.
Jacques Robin souhaite non seulement sensibiliser les conducteurs à ce danger, mais aussi faire évoluer le code de la route. En effet, si l’article 413-17 recommande de ralentir face aux obstacles prévisibles, sa formulation suggère qu’il n’est pas nécessaire de le faire lorsque la visibilité est bonne.
L’expert plaide également pour la généralisation du panneau AB2 sur les routes nationales. Ce panneau, qui signale la priorité à la prochaine intersection, permettrait d’avertir les conducteurs de l’approche d’un croisement et donc de la nécessité de ralentir.