Nombre d’investisseurs passionnés d’art jettent leur dévolu sur la peinture. Le dessin, quoique moins médiatisé, se démarque par sa subtilité et sa légèreté. Daniel Guerlain, cinquième génération de la famille Guerlain, et Florence Guerlain s’évertuent depuis bientôt trente ans, à travers la Fondation d’art contemporain qui porte leur nom, à mettre en lumière cet art méconnu.
Décideurs. Qu’est-ce qui vous a initialement attiré vers l’art du dessin ?
Daniel Guerlain. J’ai toujours dit que « le geste premier de l’homme était celui qui mène du cerveau à la main »‘, et j’ai eu l’occasion d’être proche de mes deux grands-pères, l’un du côté de ma mère, architecte et aquarelliste reconnu à l’époque et l’autre, le créateur de la Maison Guerlain et des parfums connus dans le monde entier.
Florence Guerlain. Pour moi, c’est une autre démarche, ayant été formée en regardant les magnifiques œuvres d’art d’une de mes amies chez qui j’allais souvent.
Qu’est-ce qui a motivé la création de la Fondation Daniel & Florence Guerlain ?
D. G. Lors de notre rencontre, nous avions l’un et l’autre des amis artistes, qui nous ont conduits vers la collection de peintures d’abord et de dessins ensuite. La Fondation a été créée en 1996 dans le but de rendre le dessin abordable à tous. Nous y avons organisé des stages de dessin, de lithographie et de gravure et au cours du temps, nous avons montré nos dessins dans les salles de la Fondation, organisant des vernissages à chaque fois. En 2006, nous avons organisé un prix de dessin contemporain dont 2024 sera le 17e édition.
F. G. Notre Prix, reconnu d’utilité publique, est consacré aux artistes pour qui le dessin – œuvres sur papier, collages, dessins muraux – constitue une part significative de leur travail. Le lauréat est choisi par un jury international renouvelé chaque année. Notre Fondation exposera au Salon du dessin (20 au 25 mars au Palais Brongniart), les trois artistes nommés par le comité de sélection, la Libanaise Lamia Joreige, le Grec Christos Venetis et l’Israélien Amir Nave. Le nom du lauréat du prix de cette édition sera annoncé le jeudi 21 mars 2024 au Salon du dessin.
Comment sélectionnez-vous les œuvres et les artistes pour le Prix du dessin contemporain ? Y a-t-il des critères spécifiques ou des thèmes que vous recherchez ?
F. G. Les œuvres et les artistes du Prix de dessin de notre Fondation sont sélectionnés par un comité scientifique de six personnes : trois conservateurs et trois collectionneurs privés. Chacun apporte une série de noms et d’images d’artistes. Quelquefois, cela nous conduit vers un thème comme l’abstraction ou l’art brut, mais pas toujours. Ce qui nous intéresse, c’est la qualité des dessins et ce qu’ils représentent.
Qu’est-ce qui vous pousse à montrer vos collections, les partager ou à les exposer dans les musées ou les salons comme le Salon du dessin ?
D. G. Nous n’aimons pas beaucoup le terme « pousser » car si nous avons donné 1 350 dessins au Musée national d’art moderne, c’est pour que les visiteurs regardent, admirent ou détestent, et découvrent les œuvres qu’ils ont devant les yeux. Laurent Le Bon, le président du centre Pompidou nous a attribué une salle, nous demandant d’y faire des expositions en piochant dans les dessins de la collection donnée en 2012. Nous avons déjà organisé deux expositions, l’une sur le corps et l’autre ouverte récemment, sur l’humour. Le Salon du dessin est un endroit magique auquel on nous a demandé de participer, amenant l’art contemporain au milieu des maîtres anciens. C’est en 2010 que Hervé Aaron, président du Salon du dessin à l’époque, a eu cette idée qui perdure depuis près de quinze ans. D’ailleurs, nous y sommes très heureux.
Quels conseils donneriez-vous à ceux qui souhaitent commencer à collectionner des œuvres d’art, en particulier des dessins contemporains ?
D. G. Nous leur dirions de beaucoup regarder, de suivre leurs goûts qui les amèneront à réaliser ce qu’est un très beau dessin et surtout apprendre à le conserver en bon état, en faisant attention à la lumière ou au soleil.
Comment percevez-vous l’évolution du marché de l’art du dessin contemporain au fil des années ?
F. G. Pour être francs, habitués à regarder les œuvres dans les galeries, les catalogues, ou les livres, nous trouvons qu’il y a chez certains moins de personnalité. On sent probablement l’influence d’Internet et des réseaux sociaux, avec peut-être un peu moins de rigueur, des modes étranges aussi… Heureusement, il existe encore d’excellents artistes.
Propos recueillis par Marc Munier