Le mandat de l’agent immobilier doit comporter un terme précis (selon l’article 7 alinéa 1er de la loi du 2 janvier 1970 dite Hoguet), mais contrairement à une idée reçue, qu’il soit exclusif ou non, il n’est pas limité dans sa durée. Maître Sabatié nous éclaire sur l’application de la loi Châtel dans les mandats de vente, suite à un récent arrêt de la cour d’appel de Bordeaux.


Pourtant certains professionnels, non sans une certaine confusion de la lettre de l’article 78 du décret du 20 juillet 1972, limitent la durée de leur mandat d’entremise à une première période de trois mois, pour ensuite prévoir soit une tacite reconduction par période de trois mois, soit une prorogation (souvent pour une durée de 12 mois). 

En réalité l’article 78 du décret du 20 juillet 1972 dispose en substance que passé un délai de trois mois à compter de sa signature, le mandat contenant une clause d’exclusivité ou une clause pénale peut être dénoncé à tout moment par chacune des parties, à charge pour celle qui entend y mettre fin d’en aviser l’autre partie quinze jours au moins à l’avance par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. 

C’est donc seulement la période d’irrévocabilité du mandat qui ne peut excéder une durée de 3 mois, et non la durée du mandat elle-même. 

La Cour d’appel de Bordeaux, dans un arrêt du 1er février 2024 n°20-03739, a rappelé qu’en vertu de cette disposition pendant les trois premiers mois irrévocables du mandat, il n’est pas possible pour le mandant de le dénoncer, sauf à notifier le préavis quinze jours en amont afin que le mandat prenne effectivement fin au bout de ce premier délai incompressible de trois mois.

On retiendra toutefois cet arrêt plus spécialement pour un apport pratique relatif à l’application de la loi dite Châtel. En effet, dans l’espèce examinée par les magistrats bordelais, le mandat de vente prévoyait qu’au terme de sa durée initiale irrévocable de 3 mois, celui-ci se prorogerait pour une nouvelle durée de 12 mois. 

Ce contenu rédactionnel maladroit imposait-il à l’agence de respecter l’information relative au Code de la consommation, comme le soutenaient les mandants pour tenter d’échapper à leurs obligations ? 

Pour mémoire, l’article L.215-1 du Code de la consommation impose au mandataire d’informer son mandant par écrit, par lettre nominative ou courrier électronique dédiés, au plus tôt trois mois et au plus tard un mois avant le terme de la période autorisant le rejet de la reconduction, de la possibilité de ne pas reconduire le mandat. Or, lorsque cette information ne lui a pas été adressée le mandant peut mettre gratuitement un terme au mandat, à tout moment et sans préavis à compter de la date de reconduction. 

La cour d’appel de Bordeaux fait ici une stricte application de ce texte, refusant de l’appliquer au cas d’espèce et à la notion de prorogation du mandat, qui selon eux ne peut être assimilée à la tacite reconduction. Les magistrats bordelais font ici une distinction entre la notion de tacite reconduction, prévue notamment par l’article 1215 du Code civil, et la notion même de prorogation.

Au-delà de l’analyse de la cour d’appel de Bordeaux ici rapportée, en pratique il est vivement conseillé à l’agent immobilier de prévoir un mandat de vente comportant une durée de 12 ou 18 mois par exemple, et seulement une période d’irrévocabilité de 3 mois à l’intérieur de cette durée.

Exemple de clause de durée du mandat

Le présent mandat est conclu, en exclusivité, pour une durée de       mois à compter de ce jour. Ainsi le mandat prendra automatiquement fin le      /     /     .

Passé un délai de trois (3) mois à compter de sa signature, à tout moment et avec un préavis de quinze (15) jours, le mandat pourra être dénoncé par chacune des parties, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Il est ici précisé que la clause d’exclusivité pourra être dénoncée, dans les mêmes conditions que le mandat lui-même, passé ce même délai de trois (3) mois à compter de la signature du mandat.

Cyril Sabatié

Cyril SABATIE est avocat au Barreau de Paris et associé fondateur du Cabinet LBVS AVOCATS. Il dispose également de deux autres cabinets sur Nice et Angers destinés principalement au conseil des professionnels de l’immobilier et de la construction. Il a été notamment Directeur juridique de la FNAIM et est l’auteur de divers parutions et articles sur le droit immobilier, en particulier l’ouvrage COPROPRIETE aux éditions Dalloz-Delmas.
Il est également membre de la Chambre nationale des experts en copropriété (CNEC) et de la Chambre des experts immobiliers FNAIM (CEIF).

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