Les Notaires du Grand Paris s’intéressent au futur du territoire francilien après le rendez-vous majeur que sont les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris. En pleine crise du logement, ils se demandent si cet événement mondial pourrait relancer le marché immobilier. Ils en ont donc discuté entre experts lors du dernier événement du Club Notarial Immobilier.
Les Jeux n’effaceront pas la crise immobilière
En première partie, Maître Élodie Frémont, notaire à Paris et présidente de la Commission Statistiques Immobilières des Notaires du Grand Paris a fait un point sur les marchés immobiliers parisien et francilien sur le 1er trimestre 2024 et leurs perspectives d’avenir.
“Il est à craindre qu’on se soit installé dans une crise plus longue que prévue avec une véritable crise du logement et que les JO ne relancent pas la machine”, a déploré la notaire parisienne en détaillant les chiffres des transactions qui ne cessent de baisser depuis septembre 2021.
Cette dernière année, on peut même parler d’effondrement du marché avec une chute de 40 % des volumes de transactions qui atteignent leur niveau le plus bas depuis 2009.
Solvabilité des acquéreurs dégradée, ventes contraintes, difficulté d’obtention des prêts bancaires et manque de production de logements neufs engendrent un véritable attentisme côté vendeurs et acquéreurs qui a fait baisser les prix de 8 % dans l’ancien au premier trimestre en Île-de-France.
“Paris subit ce mouvement un tout petit peu moins que la baisse en Petite couronne mais les volumes de ventes s’approchent des plus bas jamais enregistrés et 11 arrondissements sont désormais passés sous les 10 000 euros du mètre carré”, indique la notaire.
Pour pouvoir se résorber, il faudrait une action des Pouvoirs publiques avec des aides fiscales et financières, que les vendeurs prennent conscience de la baisse des prix et que les taux d’intérêt bancaires baissent significativement.
“Soyons honnête, les JO vont créer encore un petit attentisme”, a confié Me Élodie Frémontqui note néanmoins “unelégère remontée récente, mais due à la saisonnalité et pas à une véritable reprise du marché”.
Grand rendez-vous sportif et urbain
Si les JO ne semblent pas booster le marché immobilier, il n’en demeure pas moins qu’ils laisseront un bel héritage sur les infrastructures du Grand Paris, en particulier en Seine-Saint-Denis, où de nombreuses infrastructures ont été créées pour l’occasion, notamment le village olympique.
“Les Jeux olympiques et paralympiques 2024 sont un rendez-vous sportif pour le territoire, mais aussi un grand rendez-vous urbain de mutations”, a déclaré Jean-Luc Porcédo, directeur général de Nexity Transformation des territoires.
De fait, 14 500 athlètes sont attendus pendant les Jeux olympiques fin juillet-début août et 9 000 athlètes pendant les Jeux paralympiques début septembre. Pour les accueillir comme il se doit, il a fallu construire une véritable ville entre Saint-Ouen et Saint-Denis.
“Je crois que c’est la première fois en France qu’on construit un projet 100 % réversible”, a témoigné Jean-Luc Porcédo en expliquant que les promoteurs comme Nexity ont effectué des travaux colossaux pour arriver à livrer un village olympique qui sera transformer en petite ville avec un ensemble de logements divers (sociaux, intermédiaires et en accession, du F1 au F3) et de bureaux et commerces avec les mêmes qualités (espaces extérieurs, chauffage optimisé, aération, poutres apparentes…) après la compétition.
Les JO sont l’occasion de tester des engagements ou des innovations. Par exemple, Nexity a pu expérimenter des systèmes de filtration de l’air dans les logements, de chauffage solaire, ou encore l’utilisation de béton de chanvre pour les rez-de-chaussée et bâtiments d’un étage tels que les locaux d’activités.
La phase héritage du projet sera ainsi “axée sur la perspective commerce et les engagements environnementaux”, a-t-il précisé en mettant en avant “l’excellence française sur la capacité à faire bien dans des délais restreints”.
Saint-Ouen, vitrine de la ville de demain
“En France, ces grands moment mondiaux comme les JO sont toujours des accélérateurs pour le marché immobilier et une projection dans la ville de demain. C’était déjà le cas pour les JO d’hiver de Grenoble”, a-t-il rappelé avant de décrire le projet d’envergure mené à Saint-Ouen.
Nexity a ainsi livré dans les temps (pénalités de millions d’euros par jour si le délai n’était pas respecté) le quartier Les Belvédères pour le village olympique, avec notamment un équipement emblématique de basket pour la ville de Saint-Ouen dont le club Red Star Olympique Audonien remonte en D2, avec 3 très beau terrain au 7e étage d’un immeuble d’habitation.
Un projet d’ampleur bouclé en 4 ans et demi pour 10 000 athlètes puis 6 000 habitants et 6 000 travailleurs. Nexity s’y est tellement investi qu’il installera d’ailleurs son siège à Saint-Ouen très bientôt.
“On ne va pas sur ce genre de projet pour gagner de l’argent”, a toutefois confié le DG de NexityTransformation des territoires pour qui c’est plutôt “une vitrine”, “une immense fierté pour les équipes”, et un “accélérateur de carrières”.
Il a également rappelé que les conditions ont été compliquées avec les confinements et la hausse des prix des matériaux de plus de 30 % depuis la guerre en Ukraine, en plus de la crise de l’immobilier car la commercialisation des logements suite aux JO ne sera pas faite aux prix de sortie envisagés à l’origine. Malgré cela, Nexity a réussi à utiliser un mode de construction innovant qui mixte bois (80 % issu des forêts françaises) et béton bas-carbone.
En outre, 20 % des besoins électriques du quartier Les Belvédères seront issus de l’autoconsommation grâce à un partenariat avec EDF et la pose de panneaux solaires pour répondre aux enjeux environnementaux.
“Nous sommes très fiers du résultat”, a-t-il cependant annoncé en précisant le “choix délibéré d’utiliser à bon escient le patrimoine architectural et immobilier existant” et de construire de la qualité là où il y a avait des besoins et notamment “un besoin de rattrapage comme en Seine-Saint-Denis”.
“Un des sujets de la réussite de ce projet urbain est l’alignement de toutes les autorité publiques et privées, l’Etat, les collectivités et les opérateurs, grâce à l’objectif olympique ce qui n’arrive que très rarement”, en a-t-il conclu.
Une crise partie pour durer
Selon ce bilan de conjoncture, il semblerait que cette crise immobilière soit partie pour durer et qu’elle touche le territoire entier. Ainsi, tous les départements de Grande couronne se tiennent dans un mouchoir de poche.
“On ne découvre rien car c’est la chronique d’une crise installée qui continue et que les personnes qui nous dirigent doivent réaliser”, a confirmé Jean-Luc Porcédo, directeur général de Nexity Transformation des territoires. Pour ce dernier, “nous allons dans le mur en chantant et on s’interroge sur comment il n’y a pas plus de réactions” de la part du Gouvernement alors qu’“il n’y a aucun signal d’une quelconque amélioration”.
“Les entreprises comme Nexity se battent tous les jours dans la réalité que vous avez présentée”, a commenté l’expert devant les notaires en expliquant que les équipes doivent composer avec les problématiques d’approvisionnement, d’investissement et de crédit.
