“On sait que l’investissement locatif dans le logement neuf s’est effondré. En cause, la disparition programmée du dispositif Pinel à la fin de l’année en cours, et l’assèchement de l’offre disponible chez les promoteurs. La baisse des volumes est inédite : près des deux tiers des ventes par rapport aux années antérieures ont disparu. Le préjudice est considérable pour les ménages français et le rôle de l’investissement neuf constituait jusqu’alors un apport indispensable, en abondant en moyenne de 50 000 unités le parc locatif, qui plus est avec des logements à loyer intermédiaire.

On parle moins de l’investissement locatif dans le logement existant. La raison majeure tient sans doute au fait que la défiscalisation, qui portait l’investissement dans le neuf, a toujours fait l’objet d’un marketing très fort de la part des promoteurs et même des pouvoirs publics. Les débats politiques sur son bien-fondé, ses atouts et ses dangers ont aussi contribué́ à sa notoriété ! Pourtant, c’est l’investissement dans l’ancien qui assure l’essentiel de l’augmentation de l’offre locative, dans des proportions insoupçonnées.

Chaque année, de l’ordre de 15 % des achats dans l’ancien sont à destination locative. Ce chiffre, au cours des derniers exercices, est même monté à 20 %. Certains réseaux d’agences immobilières ont constaté depuis cinq ans des pointes à 25 % et au-delà, sans doute avec des effets de localisation : les achats se sont réalisés dans les territoires urbains, où les enseignes en question sont surreprésentées.

En clair, lorsque le marché a totalisé un million de transactions, 200 000 logements locatifs sont venus abonder le parc, c’est-à-dire quatre fois plus que ne l’a fait le neuf au même moment. Le problème est que, dans l’existant comme dans le neuf, l’élan s’est cassé et l’investissement locatif a perdu la moitié de ses effectifs. Les causes sont multiples, et parmi elles, des malentendus qu’il faut lever pour ranimer la flamme des ménages qui sont tentés de procéder à cet investissement et ne franchissent plus le pas.

Des critères dissuasifs

Une raison forte de la baisse du nombre des investisseurs tient aux critères édictés à la fin de 2019 par le Haut conseil de stabilité financière. On a retenu ceux qui concerne tous les emprunteurs, le taux d’effort maximum de 35 % et la durée maximum du prêt de 25 ans, portée à 27 dans le cas d’achat de logements à construire.

Une autre exigence est venue porter un lourd préjudice à l’investissement : le HCSF a considéré que les revenus locatifs futurs d’un achat à destination de la location ne devaient pas être pris en compte dans le calcul de la solvabilité du candidat investisseur. Jusqu’alors, les banques avaient coutume de les pondérer à 60 %, voire 70 %, et à les rajouter aux revenus ordinaires de l’emprunteur. Il est clair que la plupart des investisseurs étant déjà accédants à la propriété de leur résidence principale, leur capacité d’endettement sans considération des revenus fonciers complémentaires est épuisée ou en tout cas largement sollicitée par le prêt de base. Les seuls prêts qui aient été consentis dans ce contexte règlementaire durci l’ont été dans l’enveloppe des 20 % de crédits pour lesquels les banques peuvent déroger aux critères impératifs.

En pratique, elles ont usé de cette marge de liberté pour leurs clients les plus anciens et les plus fidèles, notamment titulaires de comptes épargne… Voilà une explication à l’essoufflement de l’investissement locatif privé dans l’ancien. En outre, les banques se sont clairement détendues par rapport aux crédits à l’habitat, et leur politique de distribution est bien plus favorable aux ménages désireux d’investir. D’autres justifications à la moindre appétence à investir sont à prendre en compte.

L’extension de l’encadrement des loyers ou encore du permis de louer, et bien sûr le calendrier des interdictions de louer si le logement est mal classé dans l’échelle du diagnostic de performance énergétique, avec l’obligation d’engager des travaux onéreux. Enfin, face à ces contraintes, les investisseurs attendent une fiscalité plus attractive, pour redresser un rendement érodé. Les réponses sont là, et il appartient aux agents immobiliers, réseaux de mandataires et administrateurs de biens de les mettre en évidence pour les ménages.

L’essentiel des réponses

L’encadrement des loyers d’abord. Son principal défaut est d’envoyer aux investisseurs un message négatif : ils aiment la liberté et c’est une bride. Pour autant, est-elle si gênante ? Les loyers médians de référence sont calculés sur la base des loyers effectivement pratiqués et ils sont revus annuellement. En clair, il est prouvé que ce mécanisme tend à écrêter les loyers excessifs, sans pénaliser les loyers normaux. En outre, on peut majorer de 20% le niveau médian retenu si le logement le mérite. Enfin, des caractéristiques exceptionnelles peuvent justifier qu’une location échappe au plafonnement, telles qu’une vue imprenable ou un standing relevé. Au demeurant, les investisseurs doivent avoir un réflexe, que la profession d’administrateur de biens n’a pas su lui donner : déléguer sa gestion, pour se défaire de tout souci et optimiser le rendement, d’autant que les honoraires du professionnel constituent une charge fiscalement déductible.

Le calendrier des interdictions de louer inquiète les candidats à l’investissement, qui craignent qu’un logement existant perde vite sa destination en cas de performance écologique insuffisante : là encore, les professionnels ont des solutions, y compris sur les seules parties privatives a minima, en attendant des travaux plus conséquents décidés par la copropriété sur l’immeuble lui-même. Sans compter que le gouvernement porte désormais un regard pragmatique sur cette question et assouplit les règles, avec par exemple un DPE plus favorable aux petites surfaces et des délais et des exemptions dans certains cas. Quant à la fiscalité, elle prend en considération les efforts des propriétaires : jusqu’en 2025, les travaux de rénovation énergétique donnent lieu à un déficit que les propriétaires peuvent imputer sur leur revenu global jusqu’à 21 400 euros. Une façon puissante d’atténuer son impôt en valorisant son logement locatif.

Cette mesure est mal connue… elle a été gagnée en convainquant les pouvoirs publics de sa nécessité. Précisément, il est indéniable que les ménages investisseurs ont des affaires à faire : ils peuvent acheter des biens à rénover, dont le prix est impacté par une mauvaise étiquette énergétique. Pas de braderie, mais une équation de calcul du prix qui doit intégrer le manque de vertu écologique. Pour un investisseur, le ticket d’entrée s’en trouve diminué et les travaux entraînent une réduction d’impôt importante. Au demeurant, les banques savent désormais financer globalement le bien et l’enveloppe nécessaire à la rénovation, pour que l’emprunteur ne tombe pas sous le coup de l’interdiction de louer -qui mettrait à bas sa capacité de remboursement.

De multiples raisons d’investir

Enfin, les besoins locatifs culminent, et pour longtemps. Aucun risque de vacance. Quant au risque d’impayé, il est assurable et les administrateurs de biens proposent des produits efficaces, dont le coût est déductible fiscalement. Ils prennent sans délai le relai du locataire défaillant. Certains locataires ont également droit à la garantie Visale jeunes, salariés ou travailleurs en mobilité en particulier, qui sécurise le bailleur. On le voit, les raisons de réaliser un investissement locatif aujourd’hui sont multiples. Il appartient sans doute aux professionnels de la transaction et de la gestion de les rappeler aux ménages encore réticents. Le pays a vraiment besoin d’eux pour apporter des réponses adaptées aux attentes des Français et il faut tout faire pour qu’ils reviennent vers l’achat immobilier dans l’ancien destiné à la location.”

Source du Lien