Acquérir un cabinet de gestion locative est une stratégie de croissance externe particulièrement intéressante, notamment en période de repli des transactions. Pour préparer une opération rentable, voici quelques conseils de Jean-Marc Torollion, ancien président de la FNAIM.
La croissance externe n’est pas réservée aux groupes. J’ai souvent été surpris par une forme de résignation ou de timidité de nos confrères dans leur capacité à se porter acquéreur de cabinet de gestion locative. On connaît les caractéristiques qui font de cette activité un actif très prisé : une forte récurrence, aucun problème de perception des honoraires donc une grande lisibilité de l’activité, une dispersion des risques sur une multitudes de clients, et une résilience conjoncturelle. Toutefois, la croissance organique est lente, et, à partir d’un certain volume elle compense tout juste les pertes. L’activité est rentable à une certaine échelle, elle est très complémentaire de l’activité transaction car elle offre un service complet à l’investisseur. Un portefeuille de gestion, c’est du stock pour la vente. La mise en location est aussi une attitude défensive des vendeurs en période de repli de l’activité transaction.
À la FNAIM, le cabinet de gestion moyen gère 390 lots pour un chiffre d’affaires de base de 187 000 € HT (480 €/lot) et un chiffre d’affaires complémentaire de 37 000 € HT (90 €/ lot). Sur les 3 352 cabinets adhérents (56 % des cartes G sur le plan national), 57 % pratiquent l’activité transaction et gestion, 37 % les trois métiers (transaction, gestion et syndic).
Mais en réalité, en dehors de la FNAIM, beaucoup de professionnels ont créé à côté de leur activité transaction une activité gestion. Très souvent après avoir atteint le seuil des 100 lots, ils se posent la question de franchir ce seuil, ce qui implique une embauche et une forme de professionnalisation de la gestion. Le ratio moyen est une personne pour 200 lots. Pour franchir le seuil des 200 lots, le moyen le plus rapide réside dans la croissance externe. Pour cela, il faut être identifié par ses confrères comme acheteur et une fois la première opération faite d’autres se présenteront naturellement.
De mon point de vue, il faut distinguer trois éléments dans l’approche :
1. L’approche psychologique de l’acquéreur
Il faut toujours identifier la problématique du cédant. Ce peut être un enfant à garder dans la structure, un conjoint qui doit travailler encore quelques années, la volonté de garder le nom un certain temps, le souhait de percevoir le loyer des murs
commerciaux. Ces aspects peuvent être tout aussi déterminants que le prix, voire en impliquer une diminution, dans tous
les cas permettre un positionnement que certains groupes sont incapables d’avoir sur le moyen terme. Il peut arriver que le dirigeant vendeur souhaite rester un certain temps. L’expérience montre qu’il est difficile de le garder longtemps. Les méthodes de travail de l‘acquéreur ont vocation à s’imposer comme son système informatique. Par contre, il n’est pas rare que la personne la plus importante dans un cabinet ne soit pas le dirigeant mais le ou la comptable ou la personne de l’accueil. Il faut toujours analyser le fonctionnement d’un cabinet pour comprendre quelle est la personne qui a le lien avec les propriétaires mandants, et s’assurer de sa confiance dans le projet porté par l’acquéreur.
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2. L’approche structurelle
L’analyse du portefeuille est déterminante et indispensable. L’analyse de sa consistance doit tout d’abord être faite. Son ancienneté, sa granulométrie (typologie de logements), sa dispersion géographique (temps perdu pour les visites) ou le classement énergétique des lots. Ce dernier point va devenir incontournable.
L’examen du registre des mandats est important. On prendra soin de s’assurer des renouvellements des mandats venus à
échéance avant la cession. En clair, on appréciera différemment un portefeuille majoritairement composé de petits logements anciens classés F et un portefeuille dont les mandats concernent des logements majoritairement issus des dispositifs fiscaux sur une vaste zone géographique. Le nombre de mandats par propriétaire est un indicateur intéressant. Il faut notamment repérer et traiter les propriétaires importants. Le quittancement moyen doit être appréhendé, notamment si le secteur géographique
de la cible est différent de la zone où se situe l’acquéreur. On prendra aussi soin de vérifier l’assiette des honoraires. Il est important également que les régularisations des charges soient faites et l’encaissement des dépôts de garantie est un plus.
La croissance externe peut obéir à la volonté d’accroître le portefeuille en gestion sur sa zone de chalandise, ou bien permettre de s’établir ailleurs.
Dans ce cas, il faut prendre en compte que reprendre un cabinet dont l’exploitation est dans un lieu distinct du cabinet de l’acquéreur, mobilise de la compétence et du temps du dirigeant, et parfois des collaborateurs.
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3. L’approche financière et juridique
C’est évidemment la clef de la sécurisation de l’opération. Un rapport récent d’un contrôle de la caisse de garantie doit être demandé et à défaut diligenté. L’examen des contrats de travail, les clauses de non-concurrence, les pratiques sociales du cabinet font partie des diligences indispensables. La représentation des fonds, la capacité à facturer les honoraires de locations et d’états des lieux aux bailleurs, le niveau d’honoraires et le rythme des prélèvements, les comptes d’attente, etc., sont des éléments qualitatifs déterminants. De même l’homogénéité des dates pour les acomptes aux propriétaires est un facteur de productivité.
Un portefeuille qui a été bâti grâce à une politique d’honoraires bas avec un non-respect important de la loi en matière de facturation d’honoraires de location doit être appréhendé avec un taux de pertes important issu de la hausse des honoraires imposée. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce cas de figure peut se révéler très intéressant si la négociation
du prix de cession a tenu compte de cette situation, les clients étant plutôt enclins à accepter un niveau d’honoraires qui laisse
présager un meilleur niveau de service. Le principe est d’avoir une rentabilité pour chaque branche d’activité d’une agence et pour chaque site. Obtenir un financement, c’est construire une stratégie crédible qui passe par une structure financière saine démontrant avant l’acquisition une capacité d’autofinancement (CAF d’au moins 15 %) et une trésorerie. Le dossier doit être d’autant mieux construit que les coefficients peuvent dérouter votre interlocuteur. La transparence est la règle avec votre partenaire bancaire. La durée des emprunts est de 7 ans en général. Mais il ne faut pas hésiter à rallonger la durée même si le coût financier s’en ressent. On privilégiera une reprise de société avec le cas échéant un transfert universel de patrimoine assorti d’une solide garantie de passif (et une clause de non-concurrence du dirigeant) plutôt qu’une vente de fonds qui oblige à re-signer tous les mandats.
Enfin, il reste un point clef qui concerne la valorisation du portefeuille de gestion et éventuellement la transaction inhérente au cabinet. Chacun aura compris que la qualité du dossier, sa rentabilité, son potentiel de croissance et les effets d’échelle influent sur la valorisation. J’ai toujours eu pour principe que la croissance externe, ce n’est pas additionner des comptes de résultats, c’est intégrer un booster, ou pour illustrer mon propos, la croissance externe ce n’est pas 1+1 =2 mais 1+1=3.
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Jean-Marc Torrollion
Diplômé d’une maîtrise de droit notarial et de l’ICH mention gestion, Jean-Marc TORROLLION est agent immobilier à Grenoble depuis 1987.
Il a poursuivi un développement continu en Rhône Alpes jusqu’à bâtir le vingtième cabinet d’administrateur de biens de France. Investi dans la vie syndicale depuis 27 ans, il adhère d’abord à la Chambre FNAIM Isère, puis devient Président de la Chambre de 2004 à 2009.
Il poursuit son parcours en devenant Président Régional de la FNAIM Rhône-Alpes, avant d’être nommé Président Délégué de la Fédération en 2013.
Le 13 octobre 2017, Jean-Marc Torrollion est élu Président de la FNAIM et ce, pour 5 ans. Il est Président d’honneur du site BIEN ICI.
Jean Marc Torrollion est également Chevalier de la légion d’honneur.
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