Ce jeudi 13 juin, s’est tenu l’édition de printemps du Lab Immo qui rassemble les experts du secteur. Prix, mises en chantier, projets en cours… ils ont partagé les dernières tendances du marché toulousain.
Jeudi dernier, s’est tenu l’édition printanière du Forum Immo dans un contexte inédit de crise, notamment celui de la construction de logements neufs. Pour rappel, en 2023, le marché de la pierre neuve a signé sa pire crise à Toulouse depuis plus de vingt ans.
Point sur les mises en chantier, baisse des taux de crédit, fin de la loi Pinel… Afin de décrypter le marché toulousain et détecter les meilleures opportunités d’achat ou d’investissement, la table ronde a réuni un panel d’experts : Mickaël Merz, président de l’ObserveR de l’immobilier neuf ; François Magne, directeur régional d’Action logement (ex 1 % logement) ; Didier Monnet, directeur général adjoint du portail d’annonces immobilières Bien’ici ; Bertrand Serp, président de Toulouse Métropole Habitat et Henri Chesnelong, notaire et délégué à l’immobilier à la chambre interdépartementale de Haute-Garonne. Et c’est une première, la rencontre s’est conclue par une session de ventes privées de logements neufs sur l’aire urbaine toulousaine.
« Nous avons l’impression que ça repart »
Premier constat, si le marché a montré quelques soubresauts timides, le volume de transactions ne semble pas décoller. « Ce premier semestre a continué sur le même rythme des semestres précédents. Le volume, un peu bas, que nous avons constaté l’année dernière, s’est poursuivi en 2024. Mais bonne nouvelle, après avoir touché le fond, nous observons aujourd’hui une certaine stabilité. Nous avons même l’impression que ça repart », analyse maître Henri Chesnelong, notaire à la chambre interdépartementale de Haute-Garonne.
Il faut dire que l’année dernière, à Toulouse, le marché de l’ancien s’était contracté de plus de 20 %. « Une chute historique, je le crois, brutale, c’est certain et durable je le crains », poursuit le notaire. Quant à la baisse des taux, pour maître Henri Chesnelong, elle n’est pas assez importante pour permettre un déblocage du marché où les emprunteurs ont perdu énormément de leur pouvoir d’achat. « Si ça ne s’accompagne pas par une baisse des prix, on ne pourra pas revenir aux volumes que nous avons connus il y a deux ans », insiste-t-il.
« Le marché de l’immobilier marche à la confiance »
Des signes de reprise partagés par Didier Monnet, directeur général adjoint de Bien’ici. Créé, il y a presque huit ans dans l’objectif de fédérer les agents immobiliers autour d’une plateforme unique, le site publie près de 700 000 annonces, que ça soit dans l’ancien ou le neuf, et totalise plus de 180 millions de visiteurs.
« Les gens se sont habitués à ces nouveaux taux et on note une progression de la demande de 10 % du nombre de contacts, notamment sur le neuf », livre Didier Monnet. Une dynamique qui risque pourtant de s’essouffler. En cause, la période d’incertitude politique que traverse aujourd’hui le pays. « Le marché de l’immobilier marche à la confiance. Vous achetez quand vous pouvez vous projeter dans l’avenir », s’inquiète le directeur général.
Un manque de confiance qui est loin de favoriser le retour des investisseurs qui ont « fui le marché ». Résultat, le marché locatif connaît à son tour de fortes tensions. « Quand ils ne peuvent plus acquérir, les locataires restent dans leur logement et par conséquent l’offre se fige », tient à rappeler Didier Monnet.
Crise du logement social
Une crise de l’immobilier à laquelle le logement social n’a pas échappé. Office HLM de la métropole toulousaine et également constructeur, Toulouse Métropole habitat (TMH), qui compte un parc de 20 000 logements, a dû faire preuve d’agilité pour continuer à produire.
« La crise du logement fait qu’il faut réinventer nos modèles. Nous avons, par exemple, récemment signé avec la banque des territoires 30 millions d’euros de titres participatifs. Ça va nous permettre construire quelque mille nouveaux logements et en réhabiliter 350 », avance Bertrand Serp, président de TMH. Autre bouffée d’oxygène, 30 millions d’euros débloqués par la métropole qui viennent s’ajouter à la ressource financière générée par la vente d’une partie du parc de TMH (135 logements cette année).
De quoi redonner espoir au bailleur social qui a vu sa production de logements neufs divisée par deux avec la crise. « Nous sommes passés de près de 1 000 logements par an avant la crise en 2019 à 484 l’année dernière », chiffre Bertrand Serp qui ambitionne de relancer la machine pour atteindre les 800 logements par an d’ici la fin de la mandature.
Une crise structurelle
Autre acteur social touché par la crise, Action logement (ex 1 % logement). « Nous avons investi 100 millions d’euros dans la région pour aider les particuliers à conserver ou acheter leur logement, notamment avec le prêt à 1 % et 69 millions d’euros pour les bailleurs, sans compter ce que font nos filiales », énumère François Magne, directeur régional d’Action logement, premier bailleur social du pays.
Ainsi le groupe a livré l’année dernière 3 000 logements en Occitanie et compte aujourd’hui près de 2 500 mis en chantier. « Nous représentons 40 % de la production de logements sociaux sur le territoire régional », poursuit-il. En revanche, si traditionnellement, le logement social a toujours été une sorte de « contrepoids » de la crise immobilière à la rescousse des promoteurs privés, c’est loin d’être le cas actuellement.
« C’est pour ça qu’on parle de crise structurelle. Les décisions gouvernementales ont impacté durablement le fonctionnement des bailleurs sociaux. En les privant de faire et de construire, il n’y a plus cet effet de compensation et de rééquilibrage », se désole François Magne.
« Une chute 60 % des mises en vente »
Une situation loin de rassurer Mickaël Merz, président de l’ObserveR et également promoteur immobilier à la tête de Sporting Promotion. « Nous avons enregistré au premier trimestre 2024, une chute de 60 % des mises en vente et des ventes totales, comparé aux trimestres précédents des trois dernières années, pour un prix moyen qui a, lui, augmenté de 10 % », détaille Mickaël Merz.
Une baisse des volumes qui continuera d’alimenter la hausse des prix dans le neuf. Mais bonne nouvelle, en attendant de pouvoir écouler leur stock, les professionnels du neuf n’hésitent pas à actionner le levier de la négociation. Des ristournes impensables il y a quelques années. Mais avec seulement 157 logements neufs vendus à Toulouse au premier trimestre 2024, les promoteurs n’ont pas d’autres choix. Pourtant, « avec l’effet fin du Pinel, je pense qu’on fera un bon deuxième et troisième trimestre. Mais à long terme, ça reste inquiétant », fait savoir le président de l’ObserveR.
En effet, avec la réduction des mises en chantier, due à des permis de construire délivrés au compte-gouttes, plusieurs promoteurs ont déjà mis la clé sous la porte. Quant à ceux qui continuent résister, ils ont vu leur effectif fondre comme neige au soleil. « Sans dispositif du gouvernement pour attirer les investisseurs privés, je ne vois pas comment on pourra reproduire du volume », conclut le promoteur.