Au Sénat, une commission d’enquête constituée mi-février 2024 à la demande du groupe communiste républicain citoyen écologiste- Kanaky a présenté les conclusions de son rapport ce mardi avec le groupe Union Centriste. Au total, une centaine de personnes ont été auditionnées. Premier constat, les petites copropriétés sont dans l’angle mort des politiques publiques actuelles, alors qu’elles représentent un tiers des résidences principales, soit plus de 10 millions de logements. Il est donc essentiel de s’y intéresser. «Il ne s’agit pas d’une question privée qui concerne les copropriétaires entre eux mais d’une question publique», assure Marianne Margaté (Communiste Républicain Citoyen et Écologiste-Kanaky – Seine-et-Marne), rapporteure de la commission d’enquête.

Tout d’abord, connaître le nombre de copropriétés en situation de paupérisation est impossible. Évaluer le nombre de copropriétés existantes étant déjà complexe: 578.000 copropriétés sont immatriculées au registre national mais l’Agence nationale de l’habitat, l’Anah, en dénombre plus de 888.000 en 2023. Environ 300.000 copropriétés ne seraient donc pas immatriculées et pour celles qui le sont, les données restent souvent lacunaires voire erronées. «Le nombre de copropriétés diffère selon les sources ce qui appuie notre démonstration d’absence de politique claire s’attaquant aux petites copropriétés», affirme Amel Gacquerre, présidente de la commission d’enquête (Union Centriste – Pas-de-Calais).

La Banque des territoires a avancé l’évaluation de 215.000 copropriétés ayant un montant d’impayés d’au moins 20 % de leur budget annuel. Environ 90.000 copropriétés n’auraient pas approuvé leur compte depuis plus de deux ans et 23.000 depuis plus de cinq ans. Selon l’Anah, 115.000 seraient fragiles et les copropriétés de moins de 12 logements représentent les quatre cinquièmes des plus fragiles d’entre elles. De plus, 35 % des copropriétés auraient un DPE de classe F ou G, et, en Île-de-France, la moitié des logements indignes seraient en copropriété selon l’Anah.

Un million de copropriétaires modestes et très modestes

«Une copropriété ne naît pas fragile, elle le devient», assène Marianne Margaté. Plusieurs facteurs expliquent cette fragilisation. Le phénomène de vieillissement des immeubles qui datent de l’après-guerre est l’une des causes de cette dégradation. Les propriétaires peuvent aussi rencontrer des difficultés à entretenir leur immeuble: plus d’un million de copropriétaires sont modestes ou très modestes. Le vieillissement des propriétaires eux-mêmes peut les pousser à moins s’investir dans la vie de leur immeuble. Les charges aussi ont explosé. Enfin, l’obligation de réaliser des travaux de rénovation énergétique pour les propriétaires bailleurs dans un délai restreint joue également.

En plus d’alerter sur cette situation, les sénatrices proposent de limiter le droit de vote des copropriétaires qui «présentent un retard intentionnel et abusif de paiement des charges», lors des prises de décision concernant la copropriété. Ainsi, le poids des propriétaires présents et actifs serait renforcé. Le but étant de lutter contre les marchands de sommeil. Elles préconisent aussi d’élargir les aides de l’Anah aux petites copropriétés en visant à ce que le reste à charge ne soit pas plus important et en élargissant le champ d’application de l’aide à la rénovation énergétique MaPrimeRénov’ petites copropriétés à tout le territoire. Pour lutter contre les impayés de charges, elles proposent également de généraliser la mensualisation des charges de copropriété. À voir si le futur ministre du Logement, lorsqu’un gouvernement sera composé, suivra ces recommandations.

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