Cette année, le salon de l’immobilier d’entreprise (SIMI) a réuni des milliers de visiteurs du 10 au 12 décembre au Palais des Congrès de Paris, affichant l’objectif ambitieux de “redéfinir l’immobilier de demain”.
Avec pour thème “Nouvelle aire”, la grand-messe du secteur immobilier B2B vise à répondre aux défis d’une industrie en pleine mutation, comme la rénovation, la décarbonation, l’utilisation de l’IA ou encore la biodiversité.
Plutôt secondaire et innovante, cette dernière a été abordée lors de la table ronde intitulée “Écologique, servicielle, sociale : la biodiversité, nouveau ciment de la ville de demain” par différents acteurs réunis par le Conseil international biodiversité et immobilier (CIBI) autour d’Emmanuelle Cosse, ancienne ministre du Logement et de l’Habitat durable sous François Hollande.
Un débat qui n’a réuni qu’un maigre public déjà convaincu par cet enjeu social et écologique, mais qui a eu le mérite d’être affiché en temps fort du SIMI 2024. D’ailleurs, dans les allées du salon, nombreux sont les stands à afficher plantes vertes et slogans pro-biodiversité, signe du greenwashing actif d’un secteur à l’empreinte carbone pourtant salée.
“Aiguilleur de l’attractivité de la ville de demain”
Actuellement conseillère régionale d’Ile-de-France et présidente de l’Union sociale pour l’habitat (USH), Emmanuelle Cosse a expliqué la dimension servicielle de la bonne gestion de l’eau et des espaces verts pour les citoyens.
Car, si la préservation de la biodiversité est souvent vue uniquement sous forme de coût sans véritable retour sur investissements par les acteurs du secteur immobilier, cette dernière est en réalité très utile pour les usagers et peut représenter un atout attractif. L’ancienne secrétaire nationale du parti Europe Écologie Les Verts s’est d’ailleurs dite ravie que le SIMI ait compris cet aspect et mis en avant la biodiversité dans son programme.
“La biodiversité est effectivement aiguilleur de l’attractivité de la ville de demain”, a déclaré fièrement Olivia Coni Lacoste, directrice RSE de Bouygues immobilier et présidente du CIBI. Cette association, créée il y a un peu plus de dix ans, milite pour réintroduire la nature en ville en s’appuyant sur les expertises scientifiques d’hydrologues et de pédologues.
“L’exemple du Campus Evergreen du Crédit agricole à Montrouge, qui est le plus grand espace vert de sa ville, ça fait la différence et on a envie d’y travailler”, a-t-elle ajouté en illustrant son propos.
“La biodiversité crée de la désirabilité dans le logement. C’est le moyen de trouver un dénominateur commun et de travailler avec les locataires, c’est un moteur de transformation de la ville”, a confirmé Mathieu Tamaillon, directeur développement durable de Groupama Immobilier. Le groupe prend cet enjeu au sérieux, car il est le premier assureur du monde agricole et le deuxième propriétaire privé de forêt en France.
Investissement nécessaire
Les actualités comme les confinements durant la période du Covid, les nombreuses inondations, épisodes de canicules et autres évènements climatiques qui se multiplient favorisent la prise de conscience sur l’importance de la biodiversité. Ainsi, le traitement de cet enjeu commence à être considéré comme un atout, voire une nécessité.
Pierre Darmet, directeur des relations institutionnelles de l’Unep et vice-président du CIBI qui animait les débats, a souligné l’impératif “du contact avec le vivant, très important pour notre santé et le lien social”.
“À l’USH, nous avons souhaité travailler sur les bonnes pratiques des bailleurs sociaux sur l’enjeu de la biodiversité, car ça rend unservice immenseà nos locataires qui vivent dans leur environnement et leur logement beaucoup plus que les autres classes sociales”, a expliqué Emmanuelle Cosse. Ses équipes étudient donc de près les questions de la renaturation et de la désimpermeabilisation du foncier social, notamment des parkings et des espaces verts. Pour elle, deux sujets sont essentiels :
- Le respect de l’esprit du ZAN (objectif de zéro artificialisation nette apparu en 2018 avec le plan biodiversité lancé par Nicolas Hulot) “qui n’empêche pas de construire et stoppe la consommation d’espaces naturels non bâtis, ce qui est vital” ;
- La bonne gestion de l’eau.
“Il faudrait trouver une réponse économique à ces enjeux”, a lancé l’ancienne ministre en militant pour l’imposition de labels environnementaux. “Oui, ça vacoûter cher et nous serons moins rentables, mais il faut le faire !”, s’est-elle exclamée, martelant qu’il s’agit d’un investissement nécessaire.
Les travaux menés par l’Unep (organisation professionnelle représentant les entreprises du paysage) sur l’impact des espaces verts en ville le confirment. Selon Laurent Bizot, entrepreneur paysagiste et président de l’Unep, “on parle de plus de 22 000 vies qui peuvent être sauvées grâce à la végétalisation”.
Cet enjeu représente ainsi “une opportunité pour la filière et une façon de mieux vivre en ville”, et le gros du travail doit être réalisé sur les espaces privés en copropriété.
“Les entreprises de ce secteur emploient 250 000 travailleurs, ce qui fait de nous le premier fournisseur de biodiversité en France”, a-t-il expliqué en vantant les transformations de sa filière “parfaitement en adaptation avec les évolutions climatiques” et la bonne volonté de certains acteurs du secteur immobilier.