Alors que les sénateurs examinent le projet de loi de simplification de la vie des entreprises, les membres du Club des Penseurs SeLoger (AVIV) ont mené une réflexion sur l’élan de simplification et ont mis sur la table les enjeux et les idées identifiées. Tribune.


On se rappellera les précédentes envies de simplification, restées malheureusement lettres mortes. Éclairer les pouvoirs publics sur les besoins de simplifier le monde du logement est apparu comme une nécessité, avec l’attente cette fois d’authentiques progrès dans ce domaine” souligne Henry Buzy-Cazaux, parrain du Club.

Confiance, modestie, cohérence et pause normative : le carré magique de la simplification

Un rapport liminaire préparé par Sandra Marsaud, députée de Charente et urbaniste de profession, et Didier Bellier-Ganière, délégué général de la Fédération des promoteurs immobiliers, a donné le la, en définissant le carré magique de la simplification, qui doit se fonder sur la restauration de la confiance, la modestie de l’État, la cohérence et le besoin de pause normative. 

  • La confiance d’abord, parce que la construction dans notre pays a fait la preuve qu’elle artificialisait peu de terrains (87% de la production sur des emprises déjà destinées à l’édification), avec des standards de qualité élevés (les 3/4 des acquéreurs de neuf extrêmement ou très satisfaits).
  • La modestie. L’État doit ensuite s’abstenir de se considérer apte à mesurer l’effet des normes et contraintes diverses sur le marché, comme le projet de loi sur la simplification le postule, en instaurant un test PME. Les corps intermédiaires et les instances consultatives spécialisées sont là pour se livrer à cet exercice. 
  • L’impératif de cohérence ensuite, d’actualité alors que le Parlement européen se renouvelle: négocier à l’échelon communautaire un allègement des normes pour les durcir en France au moment de la transposition est absurde. Tout comme il est intenable que des obligations de vertu énergétique attachées par exemple au Pinel + ne puissent être respectées dans certaines communes à cause de leur équipement en réseau de chaleur. 
  • Enfin, préférer l’activité aux blocages ce qui implique d’être en mesure d’engager une pause dans l’instauration des obligations réglementaires.

16 idées pour apporter un nouveau souffle à la production résidentielle

Selon ces critères, le Club propose d’abord d’alléger les contraintes sur la production résidentielle, à savoir de:

  • Supprimer les attestations que les promoteurs doivent fournir au stade du dépôt du permis de construire pour s’engager à respecter les règles de construction, alors que la seule production du CERFA les y oblige ;
  • Supprimer les délais de livraison maximum des logements dont les acquéreurs bénéficient de dispositifs fiscaux, fixés à 30 mois, dès lors qu’aucun producteur n’a intérêt à différer une livraison;
  • Suspendre le délai de 3 ans pour vendre dans le cas où la collectivité renonce à préempter;
  • Dispenser de fournir une nouvelle déclaration d’intention d’aliéner (DIA) au-delà du délai de validité de 3 ans s’il n’y a pas de modification substantielle;
  • Supprimer l’étude sur l’optimisation de la densité d’un programme prévue par la loi Climat & Résilience, tout promoteur souhaitant par principe tirer le meilleur profit d’une construction;
  • En matière de construction ou de rénovation de logements, dispenser les entreprises du « test PME » prévu dans le projet de loi de simplification: outre les corps intermédiaires, qui peuvent éclairer le législateur, les instances compétentes que sont le Conseil national de l’habitat et le Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique pourraient être habilités à formuler non plus des avis consultatifs quant aux impacts sur les PME, mais des avis conformes;
  • Rendre caduques les surenchères réglementaires locales, telles que les chartes instaurées par des maires en plus des stipulations des PLU et PLUI;
  • Supprimer l’obligation de réaliser une étude de potentiel de changement de destination, visant à limiter le recours aux démolitions en vue de la reconstruction, qui est seulement à ce jour transmise au préfet sans être opposable;
  • Favoriser le recours des élus en cas de contestation des avis des architectes des bâtiments de France (ABF), en faisant prévaloir le principe selon lequel le silence vaut acceptation;
  • Rendre obligatoire la publication des prescriptions des ABF pour éviter des avis divergents relatifs à des opérations voisines;
  • Veiller à ne pas surtransposer les réglementations européennes par le contrôle systématique d’une autorité indépendante;
  • Supprimer les incohérences dans les obligations pour pouvoir produire des logements éligibles au dispositif Pinel+, dont les critères de performance énergétique (classe A du DPE) sont inatteignables dans les communes disposant d’un réseau de chaleur;
  • Harmoniser les zonages pour tous les acteurs, HLM et privés, et pour tous les dispositifs;
  • Permettre un permis de construire déclaratif dans les zones d’aménagement concerté (ZAC), assorti du visa de l’architecte coordonnateur, dans la mesure où les règlements de ZAC sont déjà exhaustifs des obligations d’urbanisme;
  • Cristalliser les règles d’urbanisme en vigueur attachée à un permis de construire pendant une durée de 7 ans;
  • Réserver aux promoteurs privés la vente de logements neufs aux particuliers, aujourd’hui ouverte aux bailleurs sociaux, qui bénéficient d’un statut créant une distorsion de concurrence.

Un besoin de limiter l’agitation réglementaire

Simplifier, c’est aussi aux yeux des membres du Club des penseurs SeLoger mettre fin aux critérisations complexes et à l’agitation réglementaire. Ainsi:

  • Le PTZ doit bénéficier de la même quotité de 40 % partout sur le territoire, et être indistinctement ouvert au collectif et à la maison individuelle sous condition de sobriété foncière;
  • MaPrimeRénov doit être enfin stabilisée jusqu’à fin 2025 au moins, y compris en termes d’allocation budgétaire.

Simplifier, c’est aussi libérer les énergies et cesser de marquer de la défiance envers les acteurs

  • La proposition de loi de Lionel Causse tendant à connecter davantage les avis du HCSF aux réalités des ménages aurait pu, si elle n’avait pas été torpillée par la Banque de France, aboutir à des évolutions, dans le sens de la confiance technique accordée aux banques dans la maîtrise du risque;
  • Favoriser les solutions innovantes de propriété, tel le bail réel, par des formules simplifiées, ainsi que l’ingénierie financière;
  • Créer un contrat de rénovation des maisons individuelles, aussi sécurisant que le modèle du contrat de construction, pour favoriser la diversification des constructeurs vers la transformation des maisons existantes, en vue de l’adaptation écologique, de la surélévation, de l’extension ou de l’adaptation au grand âge ou à la mobilité réduite, est nécessaire.
  • Il serait opportun d’encourager le permis de faire, en laissant aux promoteurs et aux constructeurs une plus grande liberté dans le choix des moyens techniques pour parvenir au respect des normes;
  • Pour les activités de transaction et de gestion, il serait opportun de permettre l’ouverture de succursales avec une simple déclaration à la CCI;
  • La modernisation en cours des CERFA, qui doit à terme généraliser la dématérialisation, doit régler les cas non identifiés à ce jour dans les formulaires, comme la situation des conjoints associés ou encore les salariés portés.

Simplifier, c’est s’attaquer à la complexité fiscale

L’appareil d’impôts et de taxes sur l’immobilier est le fruit d’une sédimentation au fil de l’histoire, sans choix de principe: le stock et le flux sont indifféremment sollicités, sans logique interne. Les penseurs préconisent ainsi :

  • Inventorier les taxes qui ne rapportent que peu avec un coût important de levée de l’impôt pour ensuite les supprimer;
  • Rendre la fiscalité immobilière équitable, en l’éco-conditionnant;
  • Supprimer les nombreuses exemptions;
  • Bâtir un statut fiscal stable pour les investisseurs dans le neuf et l’existant rénové, fondé sur un mécanisme d’amortissement;
  • Permettre la déductibilité des intérêts d’emprunt pour les accédants à la propriété sous condition de vertu énergétique du logement au moment de l’acquisition ou au terme d’une vente en l’état futur de rénovation.
  • S’inspirer du modèle américain qui privilégie les taxes sur le stock plutôt que sur les flux, afin de favoriser la mobilité géographique des ménages ;

Simplifier rime également avec digitaliser

Utiliser le digital et les datas de façon plus pertinente conduira également à simplifier au profit des ménages et des entreprises immobilières. On a besoin de:

  • Développer un carnet numérique attaché à chaque immeuble et à chaque logement, constitué à sa construction et vivant avec lui;
  • Proposer un coffre-fort numérique pour les données marquées par une certaine confidentialité, avec des niveaux d’accès aux informations par les acteurs concernés, administrateurs de biens ou notaires par exemple;
  • Accélérer enfin le recours au digital, comme le disposait la loi ELAN, pour l’instruction des demandes d’autorisations de construire.

Les travaux du Club des Penseurs SeLoger témoignent du fait que la démarche de simplification exige un travail en profondeur avec minutie et rigueur. Avant de s’engager dans le chantier « titanesque » de la simplification, il convient de s’accorder collectivement sur le sens et l’ambition de cette démarche. Le jeu en vaut la chandelle: quand l’État dispose de moins de moyens budgétaires pour accompagner le logement, il est urgent qu’il facilite la vie de l’immobilier et des acteurs qui le conçoivent, le fabriquent, l’entretiennent, le gèrent et en organisent les flux. 

Et si cette fois la promesse de simplifier était tenue?

 

Etaient présents à de ce dîner-débat animé par Henry Buzy-Cazaux sous la présidence de Franck Le Tendre, Vice-président des Opérations (SeLoger Meilleurs Agents – AVIV)  en collaboration avec Thomas Lefebvre, Vice-Président Data Science (SeLoger Meilleurs Agents – AVIV) : Steve Beaudel (Hexaom), Didier Bellier-Ganière (FPI), Xavier Belvaux (We Invest), Dominique Bisaga (AC Environnement), Bernard Cadeau (Listigo), Gwenael Cernay (Hexaom), Danielle Dubrac (UNIS), Sylvain Grataloup (UNPI), David Lacroix (Maison Berval / Pôle Habitat FFB), Xavier Lépine (IEIF), Pierre Leroy (French Proptech), Jean-Baptiste Marie (Europe des Projets Architecturaux), Sandra Marsaud (Assemblée nationale), Stéphanie Obadia (Construction 21), Laurent Permasse (Sofiap), Jérôme Revy (NCI, RENT), Cecile Roquelaure (Empruntis) et Céline Torres (Groupe Torres, Pôle Habitat FFB Occitanie). 



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