Créé en 2019, après l’effondrement des deux immeubles de la rue d’Aubagne qui a fait huit morts, le permis de louer n’a pas fini de se rendre utile. Les pouvoirs publics, au premier rang desquels la Métropole qui l’a mis en place et la Ville de Marseille, qui compte dessus pour repérer les immeubles en péril dans le centre-ville, ont même voulu passer à la vitesse supérieure, vendredi, en adoptant avec la Caisse d’allocations familiales (CAF) une convention pour l’échange automatique de données.
Celui-ci permettra à toutes les parties de croiser les informations dont elles disposent pour savoir qui se cache derrière les fameuses demandes de permis de louer, faites par les propriétaires de studios, T1 ou T2 situés dans le quartier central de Noailles, où l’habitat indigne et les arrêtés de péril sont particulièrement concentrés.
1 000 demandes, 50% d’avis favorables sous conditions
Il existe, rappelle la Métropole, deux formes de permis de louer. L’un est « simple » à obtenir, car il correspond à une « simple formalité » pour les propriétaires de surfaces plus grandes qu’un T2. L’autre est « dur » à avoir et concerne quant à lui les petites surfaces, du studio au T2 inclus, puisque celles-ci sont bien plus prisées par les marchands de sommeil…
Dans les secteurs où l’habitat indigne est encore bien présent, comme à Noailles, l’obtention d’un permis de louer une petite surface est conditionnée au respect de toutes les obligations légales – présence d’une ventilation, d’une alarme incendie, etc. – après une visite de contrôle du bien par des agents de la Métropole, mais aussi de toutes les parties communes en cas d’immeuble en copropriété.
Après un premier décompte des demandes de permis de louer au bout de cinq ans, les chiffres mettent en évidence le réel succès de ce dispositif. En tout, plus de 1 000 avis ont été rendus pour le seul quartier de Noailles et 1 358 visites de terrain y ont été réalisées. Ce sont plus de 300 avis favorables à la mise en location qui ont été accordés à des propriétaires de logements jugés décents, soit 30 %. 500 avis, soit 50 % du total, ont obtenu une réponse favorable qu’à la condition de mise en conformité des logements, afin d’inciter les propriétaires concernés à réaliser les travaux nécessaires, la plupart du temps en matière de sécurité de l’installation électrique, de ventilation ou du sanitaire. Pour 205 demandes de permis de louer, soit 20 % d’entre elles, c’est un avis défavorable qui a été rendu par la Métropole car les logements peuvent porter atteinte à la santé et la sécurité des locataires.
Un modèle à suivre
Le dispositif permis de louer, fait pour accompagner les propriétaires dans leurs démarches et sanctionner ceux qui ne respectent pas les règles de la location longue durée, permet d’avoir accès à l’angle mort de l’habitat indigne pour les pouvoirs publics. « Il n’est pas rare qu’une demande de permis de louer se transforme en mise en péril d’un bien » indigne et dangereux pour ses occupants, rappelle ainsi David Ytier, vice-président de la Métropole délégué au logement, à l’habitat, à la lutte contre l’habitat indigne.
Dans ce dossier, une fois n’est pas coutume, la Ville se range derrière l’avis de la Métropole : « Le permis de louer est un dispositif utile et qui marche bien. On n’a littéralement aucune plainte et même plutôt des témoignages de propriétaires contents« , témoigne la maire des 1er et 7e arrondissements de Marseille, Sophie Camard (PM), selon qui le premier objectif est « de ne pas arriver à la situation de Noailles » dans les autres quartiers du centre-ville, relativement moins touchés par le phénomène de l’habitat indigne.
Que ce soit à Pertuis, Martigues, Port-de-Bouc et Aubagne, le dispositif permis de louer a été adopté et fonctionne très bien, de l’avis des maires. En pleine crise du logement privé et dans un contexte de manque de logements sociaux, ces derniers se félicitent d’avoir la possibilité de « faire revenir dans le droit chemin des logements vétustes voire dangereux« , grâce à un outil « pédagogique et non coercitif » vis-à-vis des propriétaires immobiliers du centre-ville, dont une étude récente a montré qu’ils étaient une très grande majorité à détenir individuellement deux logements ou plus.
Avec un tel succès, c’est l’État qui pourrait étendre, dans la loi, le dispositif permis de louer aux résidences secondaires, alors qu’il concerne à ce jour uniquement les résidences principales vides ou meublées, sous réserve qu’elles soient un studio, un T1 ou un T2. L’écueil de cet outil vient d’ailleurs de là : la location privée familiale, soit celle des logements dont la surface est moyenne ou grande et qui peuvent présenter des risques pour la santé ou la sécurité de leurs occupants, reste un angle mort pour les collectivités.
Malgré cela, Septèmes-les-Vallons, Marignane et La Ciotat ont l’intention de mettre à leur tour en application ce dispositif de détection et de résorption de l’habitat indigne sur leur territoire. Marseille, enfin, verra la zone de couverture du dispositif s’élargir au-delà du périmètre de Noailles, puisque les quartiers Belle-de-Mai et Hoche-Versailles pourront à leur compter sur des agents de la Métropole qui auront la charge d’effectuer les tournées de contrôle, immeuble par immeuble. En espérant que Marseille, associée au mal-logement après les effondrements de la rue d’Aubagne, ait aussi l’image d’une ville aux avant-postes du combat pour un logement digne et sûr.