La loi portée par les députés Annaïg Le Meur et Iñaki Echaniz visant renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale va impacter tout l’environnement juridique des professionnels de l’immobilier. Nouvelle obligation de déclaration et d’enregistrement unique et nationale, obligation de décence énergétique, réduction du nombre de jours de location et zonage restrictif, mesures de régulation pour les copropriétés et fiscalité définitivement moins attrayante… Me Cyril SABATIE, Avocat spécialiste en droit immobilier, nous livre un tour d’horizon rapide des principales nouveautés véhiculées par ce dispositif.


Face au développement galopant de la location touristique de courte durée, sous l’impulsion notamment de Airbnb et d’une meilleure rentabilité financière, le législateur se devait de réguler l’activité et son environnement juridique et fiscal pour tenter de juguler l’essor de cette pratique.

Après un parcours législatif chaotique en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale La loi n°2024-1039 du 19 novembre 2024 (parue au Journal Officiel du 20 novembre) vise donc à renforcer les outils de régulation dans le secteur immobilier, en réponse aux déséquilibres croissants sur le marché locatif, notamment dans les zones dites tendues.

Cette loi entend lutter contre les phénomènes d’éviction des résidents permanents des zones tendues en favorisant la mise sur le marché de logements destinés à la location de moyenne et longue durée, tout en intégrant les spécificités des territoires. Elle a vocation à favoriser l’implantation de résidences principales dans les zones tendues en élargissant les pouvoirs de réglementation des élus locaux et en réduisant les avantages fiscaux octroyés aux logements de tourisme.

Cette réforme impacte l’ensemble de l’environnement juridique des professionnels de l’immobilier. Elle modifie notamment la loi du 6 juillet 1989, la loi du 10 juillet 1965, mais également le code général des impôts ou encore le code de l’urbanisme, le code de la construction et de l’habitation et le code du tourisme. Regroupons ces mesures en 5 items.

  1. Une nouvelle obligation de déclaration et d’enregistrement unique et nationale
  2. Une obligation de décence énergétique
  3. Une réduction du nombre de jours de location et un zonage restrictif
  4. Des mesures de régulation pour les copropriétés
  5. Une fiscalité définitivement moins attrayante

1 – Une nouvelle obligation de déclaration et d’enregistrement unique et nationale

Toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme devra préalablement procéder en personne à une déclaration soumise à enregistrement auprès d’un téléservice national opéré par un organisme public unique (à l’exception de la Corse). Le texte précise notamment que si le bien constitue la résidence principale du déclarant, celui-ci devra en apporter la preuve dans sa déclaration. L’application pratique de cette déclaration, son renouvellement et le contenu du dossier à constituer sont soumis à la parution d’un décret et entreront en vigueur au plus tard à la date du 20 mai 2026.

Le texte généralise et uniformise ainsi la procédure de déclaration soumise à enregistrement, peu importe la commune où se trouve le bien concerné.

2 – Une obligation de décence énergétique

Jusque-là il existait « un trou dans la raquette » puisque les logements dits énergivores qui pouvaient faire l’objet d’une interdiction de location pouvaient basculer sur le secteur de la location touristique, puisque l’obligation de décence énergétique ne leur était pas imposée.

Le texte comble partiellement cette lacune et  prévoit que les niveaux de performance énergétique d’un logement décent définis notamment à l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 devront également être respectés par les logements loués en meublé de tourisme. Ainsi à partir de 2034, tous les meublés de tourisme, actuels et futurs, devront être classés entre A et D.

Une exception toutefois, cette obligation de décence énergétique ne s’appliquera pas lorsque ladite location touristique constitue la résidence principale du bailleur.

Dans les communes où le propriétaire doit solliciter un changement d’usage (au sens de l’article L.631-7 du CCH) pour procéder à la location, la demande devra être accompagnée d’un DPE répondant aux critères de performance fixés par le calendrier actuel.

Le texte ajoute que le maire pourra demander à tout moment au propriétaire d’un meublé de tourisme de lui transmettre, dans un délai de 2 mois, le diagnostic de performance énergétique (DPE) en cours de validité (au besoin sous la contrainte d’une astreinte administrative de 100€ par jour passé ce délai). Le propriétaire qui louera ou maintiendra en location un meublé de tourisme qui ne respecte pas les niveaux de performance énergétique d’un logement décent sera passible d’une amende administrative, dont le montant pourra atteindre 5000€ par logement concerné.

3 – Une réduction du nombre de jours de location et un zonage restrictif

A partir du 1er janvier 2025 les communes pourront, sur délibération motivée, abaisser le nombre maximal de jours de location autorisés pour les résidences principales, dans la limite de 90 jours (contre 120 actuellement). Elles pourront également, sur délibération, soumettre à autorisation préalable tous types de locaux qui ne seraient pas à usage d’habitation (notamment les bureaux, jusque-là pas concernés par le dispositif).

Le PLU pourra désormais comporter (après procédure de modification simplifiée) un règlement pouvant délimiter, dans les zones urbaines ou à urbaniser, des secteurs dans lesquels toutes les constructions nouvelles de logements sont à usage exclusif de résidence principale (au sens de l’article 2 de la loi du 6 juillet 1989, à savoir résidence dans les lieux au moins 8 mois par an). Les articles 4 alinéa g et 7 alinéa h de la loi du 6 juillet 1989 sont d’ailleurs modifiés pour tenir compte de cette mesure locale d’urbanisme.

De même, la commune pourra également fixer, sur tout ou partie de son territoire, dans une ou plusieurs zones géographiques qu’elle délimite, le nombre maximal d’autorisations temporaires [1] qui peuvent être délivrées ou la part maximale de locaux à usage d’habitation pouvant faire l’objet d’une autorisation temporaire de changement d’usage.  Dans ce cas, dans les zones concernées, aucune autorisation permanente de changement d’usage de locaux à usage d’habitation ne pourra être délivrée (sur le fondement de l’article L.631-7 du CCH) dans le but de louer un local à usage d’habitation en tant que meublé de tourisme (sauf compensation).

Enfin, la liste des communes dans lesquelles l’autorisation préalable de changement d’usage est obligatoire de jure (toujours au sens de l’article L.631-7 du CCH) est étendu aux communes soumises à la taxe sur les locaux vacants [2].

Afin de faciliter les contrôles et sanctions pour les communes, l’usage d’habitation d’un bien peut d’ailleurs désormais être établi par tout mode de preuve, la charge de la preuve incombant à celui qui veut démontrer son usage illicite[3].

Ces mesures vont nécessairement obliger les agents immobiliers et administrateurs de biens à vérifier la légalité des projets locatifs et à suivre les évolutions des réglementations locales.

4 – Des mesures de régulation pour les copropriétés

Le développement endémique de ce mode de location dit Airbnb dans les copropriétés, avec parfois son lot de nuisances, et l’évolution de la jurisprudence [4] sur la compatibilité de cette activité avec les clauses des règlements de copropriété, requéraient des mesures.

La loi du 19 novembre 2024 a ainsi choisi de modifier la loi du 10 juillet 1965. Ce texte crée un nouvel article 8-1-1 dans la loi de 1965 qui impose aux règlements de copropriété établis à compter du 21 novembre 2024 de mentionner de manière explicite l’autorisation ou l’interdiction de location de meublés de tourisme.

Ce texte complète également avec alinéa d) l’article 26 de la loi de 1965. Désormais les assemblées générales de copropriétaires pourront interdire les locations de meublés touristiques à une majorité des deux tiers (et non plus seulement à l’unanimité), mais seulement dans les copropriétés dont le règlement interdit toute activité commerciale dans les lots qui ne sont pas spécifiquement à destination commerciale.

Cet assouplissement ne concerne toutefois pas les lots à usage de résidence principale (logements occupés au moins 8 mois par an au sens de la loi de 1989, tel que précédemment indiqué).

Enfin un nouvel article 9-2 voit également le jour dans la loi du 10 juillet 1965, faisant peser une nouvelle obligation sur le copropriétaire bailleur et le syndic de la copropriété. Ainsi, lorsqu’un lot de copropriété fait l’objet de la déclaration préalable de location prévue à l’article L. 324-1-1 du code du tourisme le copropriétaire (ou le locataire qui y a été autorisé) doit en informer le syndic[5]. Un point d’information relatif à l’activité des locations de meublés touristiques au sein de la copropriété doit ensuite être inscrit par le syndic à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale (quantifiant le nombre de déclarations dans l’immeuble ?).

5 – Une fiscalité définitivement moins attrayante

Pour tenter d’endiguer ce mode de location, plus rentable, et jusque-là avantagé fiscalement par rapport au régime des revenus fonciers, le texte révise les abattements fiscaux applicables aux revenus perçus à compter de 2025.

  • Pour les meublés de tourisme non classés, l’abattement forfaitaire du micro BIC passe à 30%, dans la limite de 15 000€ de revenus locatifs, s’alignant sur celui du micro foncier applicable aux locations vides.
  • Les meublés classés bénéficient eux toujours d’un abattement de 50%, mais uniquement jusqu’à 77 700 € de recettes.

Rappelons que pour les meublés non classés la loi de finances pour 2024 avait déjà réduit ce taux à 30% dans la limite de 15 000 euros de recettes (au grand dam du Gouvernement). Une note fiscale de février 2024, très discutable, avait donc autorisé les contribuables à continuer à utiliser les taux et seuils antérieurs dans leurs déclarations. Le Conseil d’État a évidemment censuré cette doctrine fiscale mais cette annulation non rétroactive n’a pas eu de conséquence pour les contribuables ayant déclaré leurs revenus de 2023 avec les anciens taux et seuils.

Conclusion : la loi n°2024-1039 du 19 juillet marque assurément un tournant dans la régulation de l’immobilier touristique en France. Elle impose aux professionnels de l’immobilier un rôle clé pour accompagner les propriétaires dans cette transition, tout en garantissant la conformité des biens à la législation (nationale et locale).

Pas certain cependant que la pénurie actuelle de logements en France soit la résultante de la location touristique de courte durée… Il est fort à parier que ces mesures ne vont pas remettre beaucoup de logements sur le marché de la location dit « classique ». Le mal est bien plus profond chez les bailleurs qui préfèrent souvent garder leur logement vacant, quitte à payer des taxes, plutôt que subir les affres et la fiscalité de la location à l’année.

Rappelons enfin que selon l’INSEE les hébergements proposés par des particuliers via les principales plateformes représentent désormais un segment incontournable de l’économie touristique. En 2023 les touristes ont réservé, en France, sur ces plateformes, 159 millions de nuitées dans des hébergements proposés par des particuliers… Sans remettre de biens sur le marché de la location de longue durée, ce texte ne va-t-il pas en revanche impacter le secteur du tourisme ?


[1] Au sens de l’article L.637-1-1 A du CCH.

[2] Taxe fixée par l’article 232 du CGI. La liste des communes est fixée par le décret n° 2013-392 du 10 mai 2013.

[3] La jurisprudence de la Cour de cassation étant jusque là très stricte n’acceptant pas de présomption d’usage, rendant ainsi la tâche des communes plus compliquée (Cass. 3ème civ. 7 septembre 2023 n°22-18101).

[4] Journal de l’agence 15 avril 2024 Location touristique de courte durée et copropriété : l’étau se desserre ? 

[5] Aucun délai n’est toutefois imposé, mais sans doute à réception du récépissé comportant le n° de déclaration.

Cyril Sabatié

Cyril SABATIE est avocat au Barreau de Paris et associé fondateur du Cabinet LBVS AVOCATS. Il dispose également de deux autres cabinets sur Nice et Angers destinés principalement au conseil des professionnels de l’immobilier et de la construction. Il a été notamment Directeur juridique de la FNAIM et est l’auteur de divers parutions et articles sur le droit immobilier, en particulier l’ouvrage COPROPRIETE aux éditions Dalloz-Delmas.
Il est également membre de la Chambre nationale des experts en copropriété (CNEC) et de la Chambre des experts immobiliers FNAIM (CEIF).



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