Depuis plusieurs semaines, un mouvement de contestation, parti de l’ENSA Rouen, secoue la quasi-totalité des écoles d’architecture françaises. Comment est-il né ?

La contestation n’est pas nouvelle, elle existe même depuis de nombreuses années. Elle vient d’un manque de moyens accordés par notre ministère de tutelle, à savoir le ministère de la Culture (selon un rapport rendu l’année dernière, l’exécutif dépense en moyenne 8 500 euros par an et par étudiant en architecture contre 10 000 euros pour un étudiant à l’université Ndlr). Mais, depuis quelques semaines, un mouvement, baptisé « Ensa en lutte », s’est créé et rassemble beaucoup d’étudiants.

Vous déplorez un manque de moyens mais concrètement, ça se traduit comment ?

Avec l’Uneap (Union nationale des étudiants en architecture et paysage Ndlr), depuis plus de dix ans, on a fait le constat que ce manque de moyens a un impact direct sur la santé des étudiants. Et sur la qualité de l’enseignement. Aujourd’hui, nous manquons d’enseignants titulaires. A Lyon, il y a beaucoup de contractuels, qui souvent sont sous payés. Ça se ressent dans les cours dispensés. Les étudiants sont très peu encadrés.

Et, de façon générale, l’enseignement dispensé dans les écoles d’architecture françaises est trop peu professionnalisant et pas vraiment en lien avec les mœurs actuels que sont l’écologie, la structure, la rénovation et les nouvelles technologies.

« On demande plus d’argent mais aussi une application de la réforme de 2018 »

En matière d’infrastructures aussi, il y a de vrais problèmes. A Lyon par exemple, même si nous ne sommes pas les moins bien lotis, nous manquons de place. Conséquence, il a fallu faire des extensions, censées être temporaires mais qui durent depuis plus de dix ans. Parfois, nous devons louer des locaux à l’école d’ingénieurs à côté. Ailleurs, c’est même souvent pire avec des bâtiments vétustes, comme à Nancy où une partie de la toiture s’est écroulée.

Quelle est la situation aujourd’hui à l’Ensa Lyon ? La mobilisation se poursuit ?

La banalisation perlée de l’école continue, oui. C’est-à-dire qu’on cible des jours en particulier pour banaliser l’école. A côté de ça, nous avons organisé des actions ciblées, comme un die-in, un enterrement fictif sur la place des Terreaux, une maquette réalisée de l’école rêvée mais aussi de très nombreux moments d’échanges.

Et, à l’échelle nationale, des délégations de toute la France se retrouvent régulièrement pour travailler sur nos revendications et un cahier de doléances.

© Ensa Lyon / La mobilisation se poursuit dans toute la France, comme ici place des Terreaux à Lyon.

Justement, quelles sont vos principales revendications ? Plus de moyens, ou ça va également plus loin que ça ?

L’augmentation des moyens reste notre priorité. Mais il y a beaucoup d’autres revendications qui sont venues se greffer à ça. Pour faire simple, on demande plus d’argent mais aussi une application de la réforme de 2018. Elle garantissait plus de postes, promettait un meilleur salaire aux enseignants titulaires et contractuels.

Mais, à l’heure actuelle, on ne voit rien de tout ça. En parallèle, avec l’Uneap, on essaie également de travailler sur les problèmes en interne. Tout n’est pas de la faute de l’Etat. Il y a beaucoup de choses que l’on peut régler dans nos écoles, en travaillant ensemble et en faisant remonter au ministère lorsque c’est nécessaire.


A l’école d’architecture de Grenoble, pluie dans les amphis et pénurie de profs

Particulièrement mobilisés, les étudiants et membres du personnel de l’Ensa de Grenoble, dénoncent eux aussi des conditions d’enseignements inacceptables. « Lorsque je suis arrivé à l’école, on m’avait prévenu en me disant, tu vas voir, il pleut dans les salles de classe, précise Ariel, étudiante en L2. Et c’est vrai. Mais si c’était le seul problème… »

Parmi les gros manquements cités par l’étudiante, la pénurie de personnel administratif – « ils sont au bord du burn out » – ou encore la précarité des enseignants – « par exemple, en L2, il y a un cours que l’on n’a pu eu depuis le début d’année parce qu’il n’y a pas de budget pour recruter un enseignant »

Alors, pour se faire entendre, les étudiants grenoblois multiplient les actions. « Il faut qu’enfin, la dotation des Ensa soit revalorisée. »

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