Après l’annonce des résultats des élections législatives le 9 juin, le Président de la République a décidé de dissoudre l’Assemblée nationale.
Une annonce surprise qui a bousculé les marchés financiers. « Depuis lundi, regardez, les taux d’intérêt augmentent, les marchés s’affolent, les partenaires européens et internationaux s’inquiètent. (…) L’accès au crédit coûtera plus cher, le taux pour accéder au logement, ce sera plus cher », a-t-il alerté lors de sa conférence de presse du 12 juin si le Rassemblement national (RN) arrivait au gouvernement, mettant en avant son « projet incohérent. »
Cela va-t-il réellement avoir un impact sur les taux de crédit ? Éléments de réponse.
Une OAT à 10 ans en hausse suite à l’annonce de la dissolution
Le taux d’emprunt d’État à 10 ans (OAT * 10 ans), servant de référence pour les taux de crédit aux particulier, a augmenté suite à l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale.
Selon la Banque de France, il est ainsi passé de 3,1184 le 7 juin à 3,2394 le 10 juin et à 3,2399 le 11 juin, soit environ + 0,12 point. Au 5 juin, il était en dessous des 3 %.
Selon Sandrine Allonier, porte-parole du courtier en prêts Vousfinancer, « c’est l’effet surprise d’une décision qui n’a pas été anticipée. Les marchés financiers détestent l’imprévu. »
À l’inverse, la dégradation de la note de la France début juin par l’agence de notation américaine Standard & Poor’s (S&P) avait été anticipée, ainsi que la baisse des taux directeurs de la Banque centrale européenne (BCE).
« Ce qui n’a eu aucun impact sur l’OAT 10 ans », remarque-t-elle.
Un impact à nuancer
Au 12 juin, l’OAT 10 ans s’est assagi, repassant à environ 3,15. Ce taux devrait rester stable au moins jusqu’au premier tour des élections législatives.
« Pour les taux de crédit, cela n’a pas de sens de regarder ces mini-variations », remarque-t-elle. « D’ailleurs depuis plusieurs mois, les banques s’affranchissent un peu des taux d’emprunt d’État. »
Auparavant, il était d’usage de dire qu’il fallait un point de différence entre l’OAT 10 ans et le taux de crédit à 10 ans accordé pour que les banques aient suffisamment de marge (par exemple un taux de crédit à 4,15 pour une OAT 10 ans à 3,15).
« C’est moins le cas aujourd’hui, car elles calculent leurs marges sur l’assurance de prêt notamment. Ce qui compte, c’est de capter de nouveaux clients par l’emprunt », explique Sandrine Allonier. « Étant en retard sur leurs objectifs, elles sont prêtes à rogner leurs marges pour les profils d’emprunteurs qui les intéressent. »
Même son de cloche du côté de Cécile Roquelaure, directrice des études du courtier Empruntis. : « Comme nous arrivons à l’été, période moins propice, nous ne devrions pas avoir d’impact immédiat sur les taux de crédit. »
Ce qui est un peu plus inquiétant, l’écart avec les taux allemands
Selon Sandrine Allonier, c’est l’écart entre les taux d’emprunt français et les taux d’emprunt allemands qui est « un peu plus inquiétant. »
Il y a actuellement une diférence de 0,80 %, comme lors des élections présidentielles de 2017, qui annonçaient Jean-Luc Mélenchon ou Marine Le Pen au second tour.
« Si l’écart est trop important, les investisseurs bougent leur position, vont vers les obligations allemandes », observe-t-elle.
Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a indiqué craindre une crise financière en France si le RN ou la gauche arrivaient au pouvoir.
Si le RN arrive au gouvernement
« Si un parti qui n’a jamais gouverné arrive au gouvernement au second tour des élections législatives le 8 juillet, alors les conséquences pourraient être plus fortes », affirme Sandrine Allonier.
L’OAT 10 ans pourrait fortement grimper. « S’il dépasse 3,5, alors cela pourra avoir un impact sur les taux de crédit », annonce-t-elle.
L’impact de l’extrême droite ou de l’extrême gauche, selon la place qu’elles occupent au gouvernement, serait le même.
« Si notre pays est jugé comme instable politiquement et économiquement, l’OAT va augmenter. Et là nous aurons un impact sur les crédits, a minima un arrêt de la baisse ou une augmentation des taux », indique Cécile Roquelaure.
De plus, le marché immobilier pourrait de nouveau se gripper à cause d’un phénomène d’attentisme. « Les acquéreurs pourraient être tentés d’attendre certaines mesures. Au niveau de l’immobilier, le RN, par exemple, propose de mettre en place un prêt à taux zéro (PTZ) de 100 000 € », indique Sandrine Allonier. « En raison du contexte politique, les investisseurs pourraient se détourner de la France. Il y aurait moins de transactions, ce qui enclencherait une baisse des prix immobiliers. Et les banques pourraient moins prêter en fonction de la politique de l’emploi menée par le nouveau gouvernement. »
Du changement à l’automne ?
Alors que les courtiers envisageaient des taux de crédit à 3,30 % en fin d’année, il y a donc encore de nombreux inconnus. La BCE devrait poursuivre sa politique d’assouplissement monétaire.
« Les taux de crédit devraient plutôt se stabiliser. Les banques nous envoient encore des barèmes attractifs, ils ne vont pas remonter du jour au lendemain. On manque de visibilité pour l’instant », affirme Sandrine Allonier. Les prochains mois nous en diront plus…
* Obligations assimilables du Trésor