L’ouverture d’une procédure collective pour l’agent immobilier qui exerce son activité à titre personnel peut être dramatique. Mais s’il exerce son activité au travers d’une SARL ou d’une SAS, le dirigeant est en principe épargné. Prudence.


L e dirigeant d’une société commerciale ne peut pas être poursuivi en cas de défaillance de celle-ci, à priori, sauf en présence d’un délit de banqueroute, qui n’existe qu’en cas d’agissements fraudu- leux. La faillite personnelle d’un dirigeant est une sanction plus rare, qui emporte interdiction de gérer une entreprise commerciale, pendant au moins cinq ans. A priori seulement…

Le sort des cautions consenties par le dirigeant

Il peut arriver que les créanciers d’une société faillie se retournent contre le dirigeant s’il a consenti une caution. Cela est courant en cas de concours bancaire, de prêt. Notons toutefois qu’en cas de redresssement judiciaire — et non pas de liquidation — la caution sera épargnée pendant la période d’observation. Celle-ci commence dès l’ouverture de la procédure avant que ne soit trouvé un dénouement par un plan de continuation, de cession, ou une liquidation.

En cas de plan de continuation, à savoir un échéancier consenti à l’agence immobilière pour apurer ses dettes, le dirigeant, pour les procédures ouvertes postérieurement au 1er octobre 2021, sera épargné, par applica- tion du nouvel article L 631-20 du Code de commerce, si l’agence immobilière respecte le plan. Et à la fin du plan, la caution sera déchargée de tout engagement. En cas de plan de cession, et sauf si le cessionnaire est devenu à titre personnel titulaire du contrat de prêt en cours (ce qui est rare), la caution reste hélas tenue en cas de défaillance du repreneur.

Si le tribunal de commerce prononce la liquidation judiciaire de l’agence immobilière, tous les concours bancaires deviennent exigibles, même s’il y a achat de l’actif de l’entreprise. Il s’ensuit que la caution pourra être recherchée immédiatement pour la totalité des sommes restant dues à une banque sans que l’offre de paiement des échéances puisse être jugée satisfactoire.

Il est donc particulièrement important pour le dirigeant d’une agence immobilière qui s’est porté caution d’engagements souscrits par cette dernière de distinguer les différentes situations (plan de continuation, plan de cession, liquida- tion judiciaire…), qui peuvent engendrer des conséquences plus ou moins dramatiques.

On retiendra que les sommes que le dirigeant a versées à un créancier en vertu d’un engagement de caution sont déductibles des revenus catégoriels qu’il a dû régler, l’année du versement , dans certaines limites (trois fois sa rémunération annuelle), et sous trois conditions : l’engagement de caution doit se rattacher à sa qualité de dirigeant, il doit avoir été pris en vue de servir les intérêts de la société, et il ne doit pas être disproportionné au vu des rémunérations qu’il a perçues ou escomptées au moment où il a contracté.

La mise en œuvre de la caisse de garantie

Si l’agent immobilier est dans l’incapacité de représenter des fonds, emportant l’intervention de la caisse de garantie, cette dernière ne pourra pas se retourner contre le dirigeant.

Pour la Cour de cassation, depuis une décision très remarquée du 4 juin 1999 (cass civ 96-18094), la garantie financière n’est pas une caution. Toutefois, en cas d’infraction pénale, notamment d’escroquerie, d’abus de confiance… le dirigeant peut être condamné à des dommages et intérêts à l’égard de victimes spoliées, mais également à l’égard d’une caisse de garantie.

Le paiement des dettes sociales par le dirigeant : une sanction possible

Lorsqu’on est en présence d’une insuffisance d’actif, le tribunal de commerce peut mettre à la charge du dirigeant tout ou partie du passif de la personne morale faillie s’il est retenu une faute de gestion, à savoir le fait d’avoir disposé des biens de l’agence immobilière comme de ses biens propres, le fait d’avoir fait des biens ou du crédit de l’agence immobilière un usage contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou aux fins d’une société dans laquelle il avait des intérêts, le fait d’avoir poursuivi abusivement, dans son intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait que conduire à la cessation des paiements de l’agence immobilière, le fait d’avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif, ou d’avoir augmenté frauduleusement le passif de l’agence…

Alain Cohen-Boulakia

Avocat à la Cour d’appel de Montpellier depuis 1980 Alain COHEN-BOULAKIA s’est forgé une solide expérience en Droit de la Distribution (Franchise, Concession, Agents commerciaux, Coopérative de détaillants …) et en Droit Immobilier (Copropriété, Baux commerciaux, Rcp des professionnels de l’immobilier, Application de la loi Hoguet …).
Il est membre du collège des experts de la Fédération Française de la Franchise (FFF) et du Conseil Québécois de la Franchise (CQF).
Alain COHEN-BOULAKIA est également Professeur à l’ICH ; il intervient dans de nombreux colloques et séminaires en droit immobilier ainsi qu’en droit de la franchise.

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