Les promoteurs se tournent à nouveau vers les agents immobiliers suite au renversement du marché immobilier. Le mandat portant sur le neuf peut permettre une certaine liberté qu’il est intéressant de connaître. Décryptage d’Alain Cohen-Boulakia, avocat honoraire, SVA Avocats.
La commercialisation par les promoteurs des programmes neufs immobiliers présente, comme chacun le sait, une particularité, dans la mesure où elle s’effectue dans le cadre strict de la législation dite VEFA.
Cet écosystème est aujourd’hui parfaitement huilé. Les promoteurs font souvent appel, au niveau des ressources humaines, à des salariés. La « commercialisation maison » pour des raisons diverses a, ces dernières années, été privilégiée par les professionnels du secteur. Il sera rappelé que les promoteurs sont dans l’impossibilité d’avoir recours à des agents commerciaux, lesquels, juridiquement, sont des intermédiaires indépendants. Ces derniers ne peuvent, en vertu de la loi Hoguet, concourir à la réalisation de ventes immobilières sans être détenteurs d’une carte professionnelle ou être mandatés par des détenteurs de cartes professionnelles. Le contrat d’agent commercial est nul en ce cas (Cass. Civ. 1, 23 février 2012, 10-18343, publié au bulletin). Il existe un risque pénal, de surcroît, au visa de l’article 14 de la loi Hoguet n°70-9 du 2 janvier 1970.
« Les promoteurs sont dans l’impossibilité d’avoir recours à des agents commerciaux, lesquels, juridiquement, sont des intermédiaires indépendants. »
Un promoteur peut, en revanche, être détenteur d’une carte professionnelle, directement ou indirectement, au travers d’une filiale, et avoir ainsi recours à des agents commerciaux. Cette solution, juridiquement licite, n’est pas très courante, dans la mesure où elle implique des coûts importants de structure à amortir, et une maîtrise de la profession d’agent immobilier, une animation d’équipes…
L’évolution du marché immobilier, les difficultés rencontrées pour parvenir à une commercialisation rapide des programmes immobiliers, pour les raisons que l’on connaît, ont conduit plus récemment,
les promoteurs à se tourner – à nouveau – vers les agents immobiliers. Sur un plan juridique, le mandat conclu entre un promoteur et un agent immobilier répond aux mêmes conditions qu’un mandat « classique ».
Il existe cependant une particularité. Chacun sait que dans un mandat « classique » l’agent immobilier ne peut recevoir la moindre rémunération avant que l’opération ne soit effectivement conclue. L’article 6-I alinéa 7 de la loi Hoguet prévoit en effet que, lorsque le mandant (en l’occurrence ici le promoteur) agit dans le cadre de ses activités professionnelles, tout ou partie des honoraires qui sont à sa charge peuvent être exigés par les agents immobiliers avant qu’une opération n’ait été effectivement conclue et constatée.
L’article 78-1 du décret d’application de la loi Hoguet apporte certaines précisions : l’agent immobilier a la possibilité d’insérer dans le mandat conclu avec un professionnel (un promoteur par exemple) une clause ayant pour objet les frais qu’il a exposés et les honoraires auxquels il peut prétendre pour ses diligences préalables à la conclusion de l’opération. La clause doit décrire « les modalités de calcul etde paiement des sommes dues au mandataire » et être rédigée sur le mandat en caractères très apparents.
En premier lieu il est évident que les honoraires applicables aux promoteurs, leurs modalités de calcul et de paiement doivent faire partie de la grille tarifaire de l’agent immobilier (affichage).
Il est donc possible pour un agent immobilier de négocier avec le promoteur pour parvenir notamment à une prise en charge totale ou partielle des frais de publicité, marketing. Des honoraires peuvent être convenus avant que l’opération ne soit effectivement réalisée ; par exemple lors de la signature du contrat de réservation. La rédaction du décret est cependant peu satisfaisante. En effet, un doute subsiste pour savoir si des honoraires peuvent être perçus par l’agent immobilier au cas où l’opération n’est pas, en définitive, menée à son terme.
En ce cas, et en dépit des mentions portées au mandat, l’agent immobilier peut-il conserver les honoraires qu’il a perçus par avance ? Si l’on s’arrête à l’esprit du texte, il convient de répondre par l’affirmative, tout particulièrement s’il est précisé dans le mandat que les frais et honoraires perçus par l’agent immobilier avant que l’opération ne soit effectivement conclue correspondent à des frais de prospection, de démarches, de publicité, de marketing, etc.
Les agents immobiliers sont donc invités à adapter leur mandat lorsqu’ils s’adressent à des promoteurs. Le marché le permet, sans doute… pour l’instant.
Alain Cohen-Boulakia
Avocat à la Cour d’appel de Montpellier depuis 1980 Alain COHEN-BOULAKIA s’est forgé une solide expérience en Droit de la Distribution (Franchise, Concession, Agents commerciaux, Coopérative de détaillants …) et en Droit Immobilier (Copropriété, Baux commerciaux, Rcp des professionnels de l’immobilier, Application de la loi Hoguet …).
Il est membre du collège des experts de la Fédération Française de la Franchise (FFF) et du Conseil Québécois de la Franchise (CQF).
Alain COHEN-BOULAKIA est également Professeur à l’ICH ; il intervient dans de nombreux colloques et séminaires en droit immobilier ainsi qu’en droit de la franchise.
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