Mariage rime avec avantages : c’est bien pour cela qu’on décide de l’adopter. Comme l’indique l’expression, cet engagement vous lie à votre moitié « pour le meilleur et pour le pire ». Avant de dire « oui », vous êtes-vous demandé ce que deviendront les dettes, existantes ou futures ?

C’est un des points qui vous poussera à adopter un régime matrimonial plutôt qu’un autre. Ce n’est pas sans raison que l’on préconise aux entrepreneurs d’opter pour le régime de la séparation de biens. Aujourd’hui, nous nous pencherons particulièrement sur le cas du régime le plus communément adopté en France : la communauté réduite aux acquêts.

Quels biens les créanciers peuvent-ils saisir pour solder une dette ? Votre patrimoine peut-il être mis en danger par les achats de votre époux ? 

Différenciation des masses de biens

Le régime légal opère une scission des biens en trois masses distinctes :

  • une masse de biens propres à chaque époux ;
  • une masse de biens communs.

Les biens propres englobent notamment :

  • les biens dont l’époux était propriétaire avant le mariage ;
  • les biens reçus à titre gratuit au cours du mariage (par exemple, issus d’une succession ou d’une donation).

Par principe, le reste du patrimoine, quel qu’il soit, est commun. L’article 1402 du Code civil dispose, dans son alinéa premier :

« Tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté si l’on ne prouve qu’il est propre à l’un des époux par application d’une disposition de la loi. »

Cette présomption d’acquêt mène un grand nombre de biens à intégrer le patrimoine commun, il est important de rester attentif quant à votre capacité de prouver l’origine d’un bien propre.

Évidemment, les acquisitions survenant à compter du mariage sont communes (à moins que le financement ait lieu, par exemple, grâce à des fonds propres uniquement). Il est parfois plus surprenant d’apprendre que deviennent automatiquement communs :

  • vos salaires ;
  • les fruits et revenus de vos biens propres, tels que les loyers.

Il est primordial de savoir distinguer vos biens propres des biens appartenant à la communauté. Pourquoi ? Le gage du créancier porte sur différentes masses en fonction du type de dépense. À cet effet, connaissance et anticipation vont de pair.

Règles communes à l’ensemble des régimes matrimoniaux

Par essence, le mariage entraîne des obligations, quel que soit le régime adopté.

C’est le cas des devoirs de fidélité, de secours et d’assistance, mais aussi des dispositions de l’article 213 du Code civil. Ils doivent ainsi assurer la « direction morale et matérielle de la famille » ainsi que l’éducation des enfants.

Ces dispositions sont intimement liées au principe de solidarité ménagère (article 220 du Code civil). Selon cet article, les époux sont solidairement responsables de l’ensemble des dettes visant à :

  • l’éducation des enfants ;
  • l’entretien du ménage.

Elle a tout de même des limites puisque les dettes jugées manifestement excessives n’entrent pas dans ce cadre.

Ainsi, quel que soit votre régime matrimonial, les frais de cantine ou d’électricité peuvent être réclamés entièrement à l’un ou l’autre des époux indifféremment.

Composition du passif dans le régime de communauté réduite aux acquêts

En dehors des dettes liées à l’éducation des enfants ou à l’entretien du ménage, le passif suit le modèle des trois masses de biens. 

Elles peuvent donc être de différentes natures :

  • les dettes propres à un époux, nées avant la célébration du mariage ;
  • les dettes contractées par les deux époux au cours du mariage ;
  • les dettes contractées par un seul des époux au cours du mariage.

S’il semble évident que les dettes contractées par les deux époux leur incombent à égalité, il est plus problématique d’identifier les deux autres. 

Pourriez-vous être amené à rembourser le prêt conclu par votre conjoint avant votre union ? Vos biens personnels peuvent-ils être saisis pour payer la voiture de collection achetée par votre époux la semaine dernière ?

Afin d’identifier sur quelle part du patrimoine porte la dette, il faut l’identifier de manière précise.

Dette contractée avant le mariage

Dans ce premier cas, rien de plus simple ! La dette est survenue préalablement au mariage, elle est donc propre à l’époux débiteur.

Ce dernier en a la charge exclusive. En cas de non-paiement spontané, le créancier peut en demander le paiement :

  • sur les biens propres de l’époux ;
  • sur ses salaires ;
  • sur les fruits et revenus de ses biens propres.

Il s’agit ici d’un gage mixte (une partie des biens communs est concernée). En principe, il demeure limité puisque l’ensemble du patrimoine commun ne peut pas être impacté.

Que se passe-t-il si les époux disposent d’un compte commun et que les fonds propres et communs sont confondus ?

Le créancier est alors autorisé par la loi à se saisir des biens communs pour obtenir remboursement. En effet, il lui est impossible de discerner les fonds propres : si un tel droit ne lui était pas accordé, il serait face à une impasse.

Il est donc primordial de faire un point avec votre futur époux avant le mariage et, surtout, avant d’ouvrir un compte joint :

  • A-t-il des dettes ? Quels en sont les montants ?
  • Est-il en mesure de les rembourser ?

Dette ménagère

J’introduisais cette notion quelques lignes plus haut : la dette ménagère est supportée par le couple, peu importe qu’elle soit contractée par un seul époux.

Que peut-on considérer comme étant une dette ménagère ? Cela peut-être :

  • les dépenses relatives au logement (loyer, factures, etc.) ;
  • les dépenses alimentaires ;
  • les dépenses liées à la santé ;
  • etc.

Les époux y contribuent à hauteur de leurs facultés respectives. Notez cependant qu’en l’absence de paiement, le créancier est en mesure de saisir l’ensemble du patrimoine du couple.

Précision : la solidarité s’applique en matière fiscale. Vous êtes solidaires du paiement de l’ensemble des impôts vis-à-vis de l’administration fiscale. Gare aux mauvais payeurs devant s’acquitter de sommes importantes !

Sur le plan professionnel, le régime de la communauté réduite aux acquêts n’est que peu protecteur en matière de passif. 

Le créancier de l’époux chef d’entreprise pourra se servir :

  • dans ses biens propres ;
  • dans le patrimoine commun.

Si tel est votre cas, l’adoption d’un régime de séparation de biens est indispensable. Certes, le patrimoine propre du second conjoint est préservé, mais le reste du patrimoine est concerné. 

Où s’arrête la solidarité ? Le Code civil a anticipé cette problématique et y répond en trois points :

  • les dépenses excessives « eu égard au train de vie du ménage, à l’utilité ou à l’inutilité de l’opération, à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant » ;
  • les emprunts contractés sans l’accord du second époux, sauf s’ils portent sur des sommes raisonnables et ont but d’acquitter des dépenses courantes ;
  • les achats à crédit.

Dans cette hypothèse, le passif devient propre à l’époux contractant.

Par exemple :

Un des époux achète seul une voiture. Cette dépense entraîne-t-elle la solidarité des époux ?

Il est possible de répondre par l’affirmative si :

  • cette dépense est en adéquation avec les revenus du couple, notamment en termes de prix d’achat ;
  • ce véhicule est indispensable à la vie de la famille (pour transporter les enfants à l’école à défaut d’autre moyen de transport, par exemple).

Dans tous les autres cas qui ne concernent ni une dette ménagère, ni une dette contractée par les deux époux : la solidarité ne s’applique pas.

En pratique, il est probable que vous (ou le créancier) ne soyez pas en mesure d’identifier la nature de la dette. Il n’est pas exclu que vous ayez à vous acquitter d’une dette qui ne vous incombe pas.

Cela peut aussi être le cas lorsque les avoirs financiers sont confondus par le biais d’un compte commun. 

Lors de la dissolution du régime matrimonial, une liquidation doit être effectuée. Celle-ci vise à effectuer :

  • un inventaire du patrimoine ;
  • un historique des mouvements de fonds intervenus entre les masses propres et la masse commune.

Si des fonds communs ont été utilisés pour financer une dépense propre, pensez à conserver une trace des mouvements de fonds ainsi que de leur origine. En effet, une telle situation ouvre droit à récompense en faveur de la communauté. Le paiement de la dette incombe définitivement au patrimoine propre de l’époux l’ayant contractée.

Pour en savoir plus sur les calculs de récompenses, consultez notre article « Succession, divorce : Le délicat calcul des récompenses entre biens propres et biens communs ».

Même si ce passif est remboursé, l’absence de protection qu’induit le régime légal peut être source de conflits. Diverses problématiques :

  • Quand pourrez-vous à nouveau disposer des sommes saisies par le créancier ?
  • Si l’argent est remplaçable, qu’en est-il des biens mobiliers ?
  • Serez-vous en mesure d’apporter la preuve que votre époux est redevable d’une récompense au profit de la communauté ?

Pour conclure :

En pratique, il est préférable d’opter pour un régime séparatiste en cas de doute quant aux capacités de gestion de votre époux. Cela vous protège tous les deux. Plus encore : la séparation de biens est de mise en présence d’une profession à risques. Bien que le régime légal reste relativement protecteur en ce qui concerne votre patrimoine propre, les biens communs ne seront pas épargnés.

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