Patrimoine
– Le 9 juin prochain, les électeurs des 27 États de l’Union européenne seront appelés à
renouveler leurs représentants au Parlement. L’Europe est accusée de nombreux maux, son excès d’interventionnisme ou, au contraire, son éventuelle non-intervention
étant bien souvent pointés du doigt.

En ces temps de crises à répétition, elle est devenue le bouc émissaire idéal tant pour les populations que pour les
gouvernements des différents États, souhaitant de la sorte se défausser, à bon compte, de leurs responsabilités.

À l’échelle internationale, l’Union européenne est bien plus forte que ne le pensent les citoyens. Au niveau de la superficie, elle occupe le 7e rang mondial, près de 4,5 millions de kilomètres carrés. L’Union occupe un espace riche d’une rare diversité allant de l’océan Atlantique à l’Ouest, de la mer du Nord à la mer Noire et de la mer
Baltique à la mer Méditerranée. Elle se classe à la 3e place pour la population derrière l’Inde et la Chine. Avec 448 millions d’habitants, elle devance les États-Unis.

En termes de PIB, l’Union européenne fait jeu égal avec la Chine et constitue la première puissance commerciale de la planète. L’euro, créé il y a seulement vingt-cinq ans, est la deuxième monnaie mondiale, après le dollar américain. Il devance de loin le yen, le yuan ou la livre sterling. La monnaie commune a mis un terme aux batailles monétaires et a constitué un point d’ancrage lors des dernières crises traversées.

L’euro, par sa force et son rôle de paratonnerre pourrait accueillir de nouveaux membres dans les prochaines années. La Bulgarie et la Suède s’interrogent, en effet, sur une possible adhésion, de même que la République tchèque, attachée jusqu’à maintenant à son indépendance monétaire, commence à y réfléchir. Au fil des années, l’euro a gagné ses galons. Les États membres de la zone euro n’ont pas connu de problèmes de change quand, dans les années 1980, certains d’entre eux comme la France, en étaient réduit à emprunter aux Pays du Golfe des devises.

L’euro a limité l’ampleur de la vague inflationniste. Les monnaies nationales se seraient sans nul doute dépréciées de manière importante depuis 2020 avec l’épidémie de covid et la guerre en Ukraine. Par sa nature fédérale, la Banque Centrale Européenne a pu s’affranchir des contingences nationales. La Banque de France aurait eu bien plus de
difficultés à relever ses taux directeurs que la BCE.

L’inflation provoquée par les chocs pétroliers de 1973 et de 1979 a été bien plus lente à résorber que celle de 2022.
Les pays européens sont plus fortement intégrés que la population ne le pense ; le Royaume-Uni l’a découvert à ses dépens avec le Brexit.

Les héraults britanniques de la sortie de l’Union européenne ont vendu l’idée que l’économie réalisée par le nonversement de la contribution au budget européen permettrait de régler tous les problèmes. Ils ont oublié que l’Union ne se limitait pas au versement de cette contribution.

En raison de son déficit commercial structurel, le Royaume-Uni était le pays de l’Union qui avait le plus à perdre à sortir de l’Union. En outre, il a perdu son rôle de place financière pour l’euro. Grâce à la libre circulation des capitaux et à la libre prestation de services, Londres, par son savoir-faire, était devenue la capitale financière de l’euro, rôle qu’elle a perdu, en grande partie, au bénéfice de Paris et de Frankfort. Par ailleurs, la question de l’immigration n’a pas été résolue par le simple fait que désormais la frontière de l’Union s’arrête à Calais.

À l’Est, le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán, menace de se rapprocher de la Russie mais n’oublie pas les subsides européens, n’hésitant pas à recourir au chantage.

Au-delà de ces péripéties, l’Union européenne peut s’enorgueillir d’avoir réussi l’intégration des États de l’ancien Pacte de Varsovie. Le niveau de vie de ces pays converge vers celui des États à l’origine du projet européen. Pour autant, les derniers entrants dans l’Union européenne peuvent parfois considérer qu’ils sont, non sans raison, traités avec condescendance par les autres. La quasi-totalité des centres de pouvoir, Bruxelles, Frankfort, Luxembourg ou Strasbourg sont à l’Ouest quand l’Union compte dix d’Europe de l’Est. La Pologne avec 38 millions d’habitants est le cinquième pays le plus peuplé de l’Union. Leur propension à s’assurer auprès des
États-Unis, en matière de défense, n’est pas sans lien avec leur histoire. Ils ont eu le sentiment d’avoir été abandonnés que ce soit face à l’Allemagne hitlérienne ou face à l’URSS à leur triste sort par la France ou le Royaume-Uni.

Après l’épidémie de covid, la guerre en Ukraine a démontré que les États européens étaient exposés aux mêmes risques et n’avaient d’autre solution que de jouer la carte de la solidarité. Ces évènements ont prouvé qu’ils ne souffraient pas de trop d’Europe mais bien de pas assez d’Europe. Cette dernière reste fractionnée – que ce soit sur le plan de l’énergie ou des capitaux – quand les États-Unis peuvent compter sur une profondeur de marché bien plus importante. Le retour des mesures protectionnistes et des aides nationales pour les entreprises sont mortifères. Les « petits États » ne pouvant s’aligner sur les moyens financiers abondants sont pénalisés. La surenchère des aides peut occasionner des surproductions et par voie de conséquence, un gaspillage des deniers publics.

Les atteintes à la concurrence sont préjudiciables à terme tant aux consommateurs qu’aux contribuables. Elles ralentissent la diffusion du progrès technique et pèsent sur la productivité. L’Union européenne est la zone
économique ayant la plus à perdre en cas de remise en cause du libre-échange. Le déclin démographique qui érode son marché intérieur l’oblige à accroître les excédents commerciaux, faute de quoi il sera difficile de maintenir le niveau de vie de la population.

Depuis 1951 et la Communauté Européenne de l’Acier et Charbon, la construction européenne s’est réalisée étape par étapes avec la fixation d’objectifs à long terme. La monnaie unique a été initiée par le Plan Werner/Barre de 1969. Aujourd’hui, l’Union tangue faute d’avoir des objectifs à atteindre et de s’être fixé un projet mobilisateur
comme le fut l’Acte unique.

La liste des champs où les États européens auraient tout avantage à mutualiser leurs forces et leurs moyens est longue de l’environnement à la protection sociale en passant par l’énergie et la défense. Compte tenu de l’état d’esprit de l’opinion et des dirigeants politiques, ne faut-il pas imaginer un nouveau projet européen qui ne soit pas l’expression directe des gouvernements en reprenant ainsi la démarche des pères fondateurs ?

Source du Lien