La réalisation de travaux, et spécifiquement ceux ayant trait à l’amélioration de la performance énergétique d’un bien, ne rime pas nécessairement avec une totale liberté de les entreprendre. Moncef Jaouachi, expert en droit immobilier, nous éclaire sur les contraintes juridiques à respecter. De bonnes informations à partager avec les actuels et futurs propriétaires !
La rénovation énergétique est une des préoccupations essentielles de tout propriétaire. Mais pour la réaliser, il faut tenir compte de contraintes. Indépendamment des règles d’urbanisme à respecter et des autorisations de travaux potentielles à obtenir, celui qui veut les engager devra composer avec des garde-fous dont l’objectif est de préserver les intérêts des voisins et, par corollaire, d’encadrer leur réalisation. Quelles sont ces contraintes auxquelles un propriétaire est confronté ?
La servitude de tour d’échelle et l’entretien de son immeuble
La servitude de tour d’échelle fait partie de ces garde-fous. Absente du Code civil, elle est consacrée par la jurisprudence. Selon les juges, c’est un droit pour celui qui fait des travaux de passer sur la propriété voisine et d’exécuter à partir de celle-ci des travaux sur les immeubles comme le ravalement des façades par exemple, dont on est propriétaire.
La limite de ce droit tient à ce qu’il est cantonné à des travaux nécessaires et indispensables à l’entretien d’un bâtiment existant. Plus exactement, d’une part, le propriétaire de l’ouvrage à entretenir doit d’abord pouvoir justifier de l’impérieuse nécessité d’effectuer les travaux, c’est-à-dire démontrer que de leur réalisation dépend la conservation de la construction existante.
D’autre part, le passage sur la propriété du voisin doit être la seule solution possible. De plus, sa mise en œuvre doit être consentie par celui qui subit cette “intrusion”. Les parties devront s’accorder sur les modalités relatives à la réalisation des travaux comme par exemple, la durée, les dates et heures de passage, les précautions à prendre pour ne pas endommager le terrain ainsi que, le cas échéant, le montant de l’indemnisation à acquitter entre les mains de celui qui subit cette servitude.
Faute d’entente entre les propriétaires des fonds voisins, la partie la plus diligente pourra saisir le juge des référés dont le rôle sera de dire s’il y a lieu d’autoriser le passage chez le voisin et d’en définir les modalités.
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La servitude de surplomb et l’isolation par l’extérieur
Issue directement de la loi Climat et Résilience et filleule de la servitude de tour d’échelle, la servitude de surplomb est, plus bien plus encore, marquée par cette idée d’encadrer la rénovation énergétique puisqu’elle a été pensée à cette fin. Au-delà de l’encadrement, elle permet la réalisation des travaux sur des immeubles construits en limite de propriété en autorisant son propriétaire à empiéter sur le terrain voisin, et ce dans une certaine mesure. Le propriétaire peut ainsi réaliser des travaux d’isolation par l’extérieur de son bâtiment jouxtant la propriété voisine. Il s’agit d’un droit qui permet à un propriétaire qui isole son bien par l’extérieur d’empiéter sur le fonds voisin et d’accéder temporairement à l’immeuble voisin pour permettre la mise en place d’installations provisoires pendant les travaux. La mise en œuvre de cette servitude / droit de surplomb répond à des conditions strictes. Les travaux doivent être indispensables.
Il ne doit exister aucune autre solution technique permettant d’atteindre un niveau d’efficacité énergétique équivalent ou cette autre solution est excessivement complexe ou onéreuse. Ce surplomb est limité : il ne peut dépasser 35 centimètres.
L’ouvrage d’isolation doit débuter, sauf accord des deux propriétaires, a minima à 2 mètres au moins au-dessus du pied du mur, du pied de l’héberge ou du sol. Le bénéficiaire doit auparavant indemniser le propriétaire du fonds grevé de ce surplomb.
Comme en matière de servitude de tour d’échelle, un accord amiable entre les parties est encouragé de sorte que le propriétaire du bâtiment qui souhaite entreprendre les travaux doit notifier au propriétaire du fonds voisin son intention. Ce dernier disposera alors de 6 mois pour s’y opposer, à compter de cette notification, sous réserve de pouvoir se prévaloir d’un motif “sérieux et légitime”. A ne pas en douter, la jurisprudence affinera ce qu’il faut entendre par motif légitime et sérieux.
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Les servitudes de vue et les travaux sur les ouvertures
La rénovation énergétique peut également aller de paire avec la réalisation ou la rénovation des ouvertures existantes en changeant le type de menuiserie par exemple. Il convient là aussi d’être vigilant car l’objectif de performance énergétique ne doit pas occulter les droits des voisins qui peuvent être impactés par ces travaux. En effet, toute fenêtre ou aménagement (balcon, terrasse, escalier extérieur) qui permet d’avoir un regard sur la propriété voisine est une vue. La loi pose des contraintes dans ce cas afin de ménager l’intérêt du propriétaire de rénover son bâtiment et l’intérêt des voisins de voir respecter leur vie privée. L’existence de cette “vue” ne doit pas porter atteinte au droit à la vie privée de son voisin. La vue peut être « droite », lorsque le regard porte sur le terrain voisin sans que l’on s’écarte de l’axe de l’ouverture. Elle peut également être « oblique » s’il faut s’écarter sur les côtés ou se pencher à l’extérieur.
Afin de protéger la vie privée, il est interdit de créer des vues sur les propriétés voisines qui ne respectent pas les distances légales. Pour une vue droite, la distance entre la façade extérieure du mur dans laquelle l’ouverture est pratiquée et la limite du terrain est d’au moins 1,90 mètre. Pour une vue oblique, la distance est d’au moins 0,60 mètre du fonds sur lequel s’exerce la vue. A défaut de pouvoir respecter ces distances, seuls les jours sont admis. Ce sont des ouvertures à verre dormant (fixe) qui laissent seulement passer la lumière. Ce n’est qu’en respectant ces contraintes juridiques que les travaux de rénovation,
notamment énergétique, doivent être pensés et réalisés. La rénovation énergétique ne peut donc pas se faire à n’importe quel prix.
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Sources :
– Réponse ministérielle n°75162 du 9 janvier 2007
– Réponse ministérielle n°01316 du 28 février 2008 sur la définition du tour d’échelle
– Décret n°2022-926 du 23 juin 2022
– CCH art. L 113-5-1, I-al. 1 nouveau
– C. civ. art. 678 et 679 du Code civil
– Civ. 3e, 26 mars 2020,
n° 18-25.996
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