Méfiez-vous lorsque vous laissez votre appartement à votre enfant! Si vous oubliez de donner votre congé, cela peut vous coûter cher. Le locataire d’un HLM l’a appris à ses dépens. En juin 2001, un couple loue à Paris un logement social qu’il occupe avec ses enfants. Dix ans plus tard, le mari quitte le domicile conjugal mais sans donner son congé au bailleur social. Il reste donc cotitulaire du bail. En juin 2016, l’épouse, qui vit seule dans le logement avec son fils, décède d’un cancer. Dès lors, le mari dispose d’un droit exclusif du bail (article 1751 du code civil) mais il n’occupe plus le logement.

Dès lors, que faire? Le veuf pourrait transférer son droit à son fils puisque l’adolescent a vécu dans les lieux depuis au moins un an avant le décès de sa mère (article 14 de la loi du 6 juillet 1989). Problème: il ne remplit pas les conditions de ressources prévues par la loi (article 40 de la loi du 6 juillet 1989) puisqu’il est mineur et ne travaille pas. Quid de sa sœur? Née en 1989, elle pourrait payer le loyer mais n’a pas cohabité pendant au moins un an avec sa mère avant sa mort. Un vrai casse-tête pour le père. Finalement, il décide de signer un avenant précisant qu’il est devenu le «seul locataire de l’appartement» mais il ne l’occupe toujours pas. Une solution à risques qui s’est retournée contre lui.

Affaire à rebondissements

Le fils ainsi que sa sœur et son mari qui les a rejoints illégalement, occupent l’appartement et paient leur loyer qui s’élève à 685 euros. Mais le bailleur social, qui a l’obligation de contrôler, chaque année, la situation financière de leurs locataires, constate deux infractions. La première? Le père, titulaire du bail, gagne plus que le plafond de ressources autorisé pour occuper ce HLM. La seconde? Le bailleur social n’a pas été prévenu que le père n’occupe pas le logement.

Comme la loi l’autorise (article L441-9 du code de la construction et de l’habitation), le professionnel réclame au père un surloyer (ou supplément de loyer de solidarité), qui se chiffre à 56.387 euros. Un montant qui correspond aux sommes dues entre le 1er janvier 2018 et le 13 octobre 2020, date à laquelle les occupants ont quitté le HLM. S’il n’avait pas assigné le locataire indélicat, le bailleur risquait une sanction financière (article L441-11 du code de la construction et de l’habitation). Autre sanction: le nouveau loyer s’envole à 2633 euros par mois. Soit une hausse de 284%! Un tarif trop cher pour les occupants du HLM qui se contentent de payer l’ancien loyer de 685 euros.

En première instance, le bailleur obtient gain de cause: le père est condamné à payer les 56.387 euros mais de manière échelonnée car il n’a jamais donné son congé. Le 27 septembre 2022, la cour d’appel de Paris déboute le bailleur et juge que le bail aurait dû se poursuivre au profit du fils, «titulaire du droit au transfert, en concurrence avec son père.» Nouveau rebondissement: le 4 juillet 2024, le bailleur remporte à nouveau son bras de fer. Le locataire doit bel et bien payer le surloyer réclamé puisque, «cotitulaire du bail, il n’avait pas expressément renoncé, après le décès de son épouse, à l’exclusivité de son droit au bail et qu’il n’avait par ailleurs pas mis fin à ce bail par un congé valablement délivré», a jugé la Cour de cassation. C’est à nouveau la Cour d’appel qui devra trancher cette affaire rocambolesque.

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