Alors que l’instabilité politique perdure, les membres du Club des penseurs SeLoger (Groupe AVIV) restent mobilisés en faveur de l’industrie immobilière et des Français en menant une réflexion sur les hypothèses et mesures à prendre pour que 2025 puisse relancer le marché. Tribune.
Quel avenir pour le projet de budget du logement ? 4 mesures en attente de consensus
Quelques jours avant la motion de censure du gouvernement Barnier, les membres du Club des penseurs SeLoger se sont rassemblés pour se concerter sur leurs attentes et leur compréhension des enjeux autour de 2 thèmes: le projet de loi de finances pour 2025 et les dispositions relatives à l’immobilier. Une analyse proposée par Thomas Prud’Homoz, notaire, a permis de rappeler qu’en l’absence de budget, le parlement votera une loi spéciale, qui n’est que la réitération du budget de 2024. “ Les mesures favorables… ou moins favorables au logement façonnées au cours des débats à l’Assemblée et au Sénat tombent de fait et ne pourront réapparaître que dans un projet de loi de finances rectificatif qui sera examiné et voté début 2025, avec une forte probabilité de consensus politique s’agissant du logement. “
Quelles sont ces mesures ?
- La hausse de +0,5 % des droits de mutation à titre onéreux, par augmentation de la part départementale, assortie d’une exonération pour les primo-accédants et pour les acquéreurs de logements neufs (à partir du 1er juin 2025) ,
- La prolongation de trois mois du dispositif Pinel pour les logements réservés avant la fin de 2024,
- L’allègement des droits de succession ou de donation pour favoriser l’achat d’une résidence principale neuve par des descendants jusqu’au 31 décembre 2026,
- Un prêt à taux zéro plus puissant, accessible sur tout le territoire et intégrant la maison individuelle, à partir du 1er février 2025 et jusqu’au 31 décembre 2027
- Un budget pour MaPrimeRénov’ en retrait de -42% par rapport à celui de 2024
- La modification du régime du loueur en meublé non professionnel (LMNP) pour que les amortissements soient réintégrés dans le calcul de la plus-value de cession.
Les pistes du projet de loi pour développer l’offre de logements abordables
Au-delà de ces mesures budgétaires, quels grands sujets devraient-ils motiver une grande loi logement, ou comme le préférait Valérie Létard, “plusieurs gestes législatifs”, plus faciles à faire voter par une Assemblée sans majorité ? Henry Buzy-Cazaux, parrain et animateur du Club des penseurs SeLoger, a rappelé les chapitres du projet de loi élaboré par Guillaume Kasbarian, alors ministre délégué au logement, avant la dissolution « pour développer l’offre de logements abordables ». Le texte ouvrait quatre chapitres qui avaient vocation à être complétés par le parlement :
- Offrir de nouveaux outils aux élus qui veulent construire,
- Simplifier les procédures administratives pour construire plus vite,
- Libérer l’investissement dans le logement abordable,
- Faciliter l’accès au logement des Français.
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Un manque de souffle de mesures de soutien et de relance
Les penseurs ont d’abord réagi au projet de loi de finances pour 2025 en observant, malgré la gravité du déficit public, le manque de souffle des mesures de soutien et de relance. Sans moyen suffisant, le secteur du logement ne pourra pas créer la richesse qu’il a vocation à apporter aux finances de l’État et des collectivités. Le déficit de près de 3 500 milliards d’euros sera transmis aux générations futures.
Cette situation va contraindre les ménages à user davantage de dispositifs de partage patrimonial au profit des générations futures. On trouve ainsi des outils majeurs dans la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, pour corriger des inégalités patrimoniales insupportables : 9 % des ménages français vivent en-dessous du seuil de pauvreté, 1/3 des veuves seulement sont propriétaires du logement qu’elles occupent, et les personnes des 3e et 4e âge ont du mal à emprunter, alors que le prêt viager hypothécaire, inconnu et sous-utilisé, le leur permettrait.
Dans le même temps, les propriétaires immobiliers sont à la tête d’un patrimoine de 14 000 milliards d’euros.
Miser sur la création de richesse par le logement
Les penseurs déplorent que le projet de loi de finances ne comporte aucun dispositif de droit commun, intégrant la faculté d’amortir le bien, censé prendre la relève de la niche fiscale dite Pinel, mais aussi des autres niches encore en vigueur. Pourtant, l’insuffisance d’offre locative privée se fait douloureusement sentir dans toutes les zones tendues.
Depuis le début du premier quinquennat du Président Macron, l’investisseur immobilier est stigmatisé et il est urgent de le dédiaboliser. La seule dégradation du statut du loueur en meublé non professionnel et des locations de courte durée ne suffira pas à réorienter les ménages vers l’investissement locatif traditionnel de longue durée. Trop de contraintes réglementaires face à un rendement locatif que le rapport d’Annaïg Le Meur, députée du Finistère – nouvellement nommée présidente du Conseil National de l’Habitat – reconnaissait très faible, voire négatif. La taxation des plus-values de cession des biens locatifs est confiscatoire, alors même qu’aucun amortissement n’est possible en cours de détention et d’exploitation. La France ne sait plus créer des vocations de primo-investisseurs, ce que certains de nos pays voisins parviennent à faire.
La préférence a été donnée au drainage des capitaux des ménages vers l’entreprise. Il faut la dériver vers le logement en usant de toute l’ingénierie disponible :
- Les investisseurs institutionnels devraient être astreints à un quota de 20 % de logements dans leur patrimoine, généralement composé d’actifs tertiaires.
- La séparation du foncier et du bâti peut aussi conduire à des solutions non seulement pour développer l’accession à la propriété, mais également pour l’investissement locatif.
- Les penseurs estiment que, sans attendre des avancées publiques, les acteurs ont la responsabilité de déployer des dispositifs de nature à démocratiser l’investissement locatif privé.
Déployer l’offre locative privée : la priorité absolue
Le Club des penseurs SeLoger considère unanimement que le déploiement de l’offre locative constitue la priorité de l’action publique et de l’innovation privée, non seulement par des évolutions fiscales mais aussi en modernisant la loi du 6 juillet 1989.
La sécurisation des investisseurs doit être organisée par tous moyens utiles :
- L’idée de l’obligation légale d’assurance contre les impayés de loyer et les dégradations locatives pour les bailleurs – dont la prime pourrait être partagée entre bailleur et preneur – a été émise.
- Un meilleur équilibre économique entre propriétaire bailleur et locataire devrait être aménagé en révisant la liste des charges récupérables, jamais actualisée depuis 1987, ou encore en permettant l’application de pénalités pour retard de paiement de loyer.
- Une grille de vétusté, dont le principe figure dans la loi ALUR de 2014, sécuriserait aussi les rapports locatifs en objectivant les retenues sur dépôt de garantie.
La loi Kasbarian, qui a renforcé les moyens d’action à l’encontre des squatteurs et des débiteurs de loyer, a incontestablement rassuré les propriétaires. Il reste que les solutions de relogement ne sont pas à la hauteur des besoins, malgré le Plan quinquennal d’abord, et les expulsions ne peuvent être mises en œuvre sans cela. En outre, des moyens supplémentaires devraient être alloués sur le terrain, notamment au sein des ADIL (associations départementales pour le logement), pour que les diagnostics sociaux et financiers puissent être établis dans les délais impartis, raccourcis par la nouvelle loi.
Un lien emploi-logement à soigner
Un autre sujet cardinal pour la vigueur économique du pays : le lien entre emploi et logement, qui devrait selon les penseurs donner lieu à un projet de loi spécifique. Les entreprises de toutes tailles, sur l’essentiel des territoires, peinent à recruter faute de réponses satisfaisantes en quantité et en accessibilité. Sans que l’engagement d’Action Logement ne soit remis en question, il faut que d’autres solutions complètent ce dispositif.
- Le rôle des AOH (Autorités Organisatrices de l’Habitat) en la matière devrait être accentué.
- Les entreprises sont pour beaucoup d’entre elles partantes pour intervenir directement dans le logement de leurs salariés, sans se dispenser de leur contribution obligatoire au titre du 0,45% de leur masse salariale. Il pourrait s’agir de la modalité de l’usufruit locatif social employeur, tel que l’avait disposé la proposition de loi déposée lors de la précédente législature par le député Dominique Da Silva, qui n’a pas été débattue.
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Le logement HLM à réformer
Le logement social, que le projet de loi du ministre Kasbarian voulait rendre plus efficace, doit selon les penseurs améliorer son fonctionnement :
- Le parcours HLM doit être fluidifié, et les rentes de situation débusquées.
- La vente par les organismes d’une partie de leur patrimoine manque de dynamisme : la location accession pourrait être davantage utilisée.
Booster la production neuve de toute urgence
Enfin, l’action publique doit s’attacher à dynamiser la production de nouveaux logements en nombre. Le foncier disponible déjà artificialisé n’est pas mobilisé comme il devrait l’être? alors que le niveau de construction résidentielle de la France répond à la moitié des besoins.
- Le foncier de l’État et des collectivités exige un inventaire sincère couplé à des cessions en faveur de projets de promotion pour abonder l’offre de logements sociaux, intermédiaires et libres.
- Pour les terrains privés, le mode de taxation des plus-values lors de la revente doit pénaliser la thésaurisation, contrairement au dispositif actuel – la durée de détention réduit jusqu’à l’annulation de la taxation.
- L’ingénierie foncière n’est pas non plus assez audacieuse : les propriétaires institutionnels ont trop peu recours aux baux emphytéotiques longs, de nature à réduire les prix de sortie à la vente comme à la location pour les ménages.
- La transformation de bureaux en logements, dont la faisabilité a été précisément analysée par un rapport rendu au gouvernement le 24 juin dernier, demeure peu pratiquée. Il faut la catalyser, notamment en reprenant d’urgence le processus législatif, pour que la proposition de loi visant à faciliter la mutation en logements des bâtiments ayant une autre destination, interrompu par la dissolution de l’Assemblée nationale.
- L’idée de taxer les propriétaires de mètres carrés de bureaux durablement vacants est considérée recevable par les penseurs, la commune ne devant pas être destinataire des taxes pour éviter les effets pervers.
- Des outils innovants ont également été évoqués, tels que le contrat de rénovation des maisons individuelles, avec le concours de professionnels reconnus MAR (Mon Accompagnateur Rénov’).
- Il est aussi souhaitable que les permis de construire autorisent plus aisément le concept de maison évolutive.
- Le Club, enfin, considère opportun, alors que les promoteurs rencontrent de graves difficultés, de repenser le modèle de la vente en l’état futur d’achèvement, exception française. Ne serait-il pas préférable de transférer le portage du foncier à des sociétés dédiées, qui seraient du même coup des véhicules d’épargne pour les ménages ? Dans l’avenir, combien de promoteurs seront-ils en mesure de prendre les risques financiers structurels inhérents au modèle actuel ?
Ces travaux interviennent à point nommé : ils inspireront le ou la ministre du logement bientôt nommé(e), qui sera le/la huitième en sept ans…
Etaient présents à ce débat : Henry Buzy-Cazaux (Président de l’institut du Management des services immobilier et Parrain du Club des penseurs SeLoger) et Thomas Prud’Homoz (Notaire associé chez KL-Conseil) en tant que grands témoins ainsi que Baptiste Capron (Directeur Général SeLoger-groupe AVIV), Caroline Arnould (Directeur Générale de CAFPI et présidente de l’APIC), Steve Beaudel (Directeur Commercial et marketing Hexaom), Claude Olivier Bonnet (Directeur Général Coldwell Banker), Bernard Cadeau (Délégué général Listigo), Gwenael Cernay (Responsable Digital – Adjoint à la Direction Commerciale & Communication, Hexaom), Danielle Dubrac (Présidente, UNIS), Arnaud Hacquart (Président IMODIRECT), Xavier Lépine (Président IEIF), Henri de Lacoste (Directeur général Wemo Groupe), Jean-Baptiste Marie (Directeur général Europe des projets architecturaux et urbains), Céline Mahinc (Anacofi et Gérante fondatrice, Eden Finances) , Céline Torres (Présidente Pôle habitat FFB Occitanie) et Jean-Claude Szaleniec (Senior Advisor HARES Conseil). Coordination : Isabelle Wanclik et Ambre Mazzolini (Service RP SeLoger)
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