Permettre à de très jeunes enfants de s’amuser comme des petits fous tout en conservant de bonnes conditions de travail pour le personnel chargé de s’en occuper, le pari est audacieux. C’est en tout cas celui qu’a pris l’architecte Paul Le Quernec sur la réalisation de cette crèche à Montrond-les-Bains (Loire). Il reconnaît s’y être pris de manière quelque peu détourné pour faire passer ses idées les plus novatrices, tant il est vrai qu’on a jamais vu ce genre de filet de catamaran installé dans un lieu public, ni une salle de jeu d’eau transformée en pataugeoire intérieure.

«Ce sont des transgressions du programme, s’amuse le principal intéressé. J’ai mis le maître d’ouvrage devant le fait accompli.» Les grands volumes de l’accueil avaient ainsi été prévus pour accueillir ce filet géant qui offre une salle d’amusement supplémentaire tout en profitant de la lumière naturelle. Mais personne n’avait compris cela au vu des plans, ni même à un stade très avancé du chantier. Ce n’est que lorsque le filet a été installé que tout le monde s’est retrouvé devant le fait accompli.

Transgression

Même chose pour la pièce réservée aux jeux d’eau. «J’ai respecté le cahier des charges, il fallait une pièce du genre où les enfants sont en contact avec l’eau, explique Paul Le Quernec. En général, ce sont de petites bassines sur trépied où les enfants en imperméable peuvent faire quelques éclaboussures, c’est d’un terrible manque d’ambition. J’ai simplement décaissé toute la pièce et l’ai intégralement carrelée pour qu’on puisse l’inonder. Ils enlèvent leurs chaussettes et peuvent se mettre en culotte. Cela donne un effet immersif et transgressif.»

Cette crèche a été voulue par la Communauté de communes de Forez-est en recherche d’un édifice compact avec une mutualisation des espaces possibles et un recours à des matériaux économiques. «Sur cette base, nous avons tenu à intégrer une architecture ludique et apaisante, un maximum d’éclairage naturel et une acoustique de haute qualité», précise Paul Le Quernec. C’est ainsi que chaque zone de la crèche dispose de la lumière zénithale qui arrive depuis une structure pyramidale recouverte de plaques perforée, «un piège à son redoutable», selon l’architecte. Côté apaisement et efficacité dans un espace contraint, les lieux n’utilisent que deux couleurs: du beige du sol au plafond pour les espaces de vie et du bleu ciel pour les sanitaires. Cela donne véritablement l’impression que tout le mobilier est directement intégré dans les murs et cela agrandit considérablement l’espace.

Un filet qui supporte 10 tonnes

L‘attachement de l’architecte à installer son filet de catamaran au-dessus de l’accueil de la crèche a tout de même été source de bon nombre de contraintes. «Il a fallu effectuer certaines modifications pour respecter les normes incendies très contraignantes lorsque l’on se trouve dans l’espace d’accueil et nous avons évidemment dû être particulièrement vigilants sur les normes de sécurité.» Ce filet qui couvre 25 m² propose ainsi une résistance de 400 kg par m², il pourrait donc supporter 10 tonnes. Pour une crèche de 36 places avec des enfants pesant moins de 15 kg, cela laisse de la marge… Seule concession de l’architecte, il lui a fallu fermer l’accès à cet espace par une porte (entièrement transparente), lui qui souhaitait laisser l’entrée libre.

«Mon idée, c’est de créer pour ces jeunes enfants une expérience sensorielle, des souvenirs inspirants, souligne Paul Le Quernec. Il y a ce petit côté parc d’attraction pour rappeler que c’est un endroit où il y a des choses qui n’existent pas chez eux. C’est ma façon de leur suggérer le goût de l’équipement public.» Mais s’il se préoccupe des tout-petits, il n’oublie pas pour autant ceux qui travaillent sur place. «C’est pour eux que je voulais une acoustique particulièrement soignée, les enfants s’en fichent. Mais si les personnes qui travaillent là se sentent mieux avec moins de stress, elles seront plus heureuses, plus disponibles et les petits en profiteront également.» Après être passé visiter les lieux en pleine exploitation il y a une quinzaine de jours, l’architecte en est revenu agréablement surpris. «Je n’ai reçu aucune critique de la part de ceux qui travaillent sur place, s’étonne-t-il. J’ai même été félicité par une dame pour l’acoustique et l’atmosphère sonore.» Et s’il n’est pas totalement sûr que son filet et sa salle d’eau seront intensivement utilisés si les enfants sont difficiles à gérer, il estime avoir rempli son rôle: «j’offre cette possibilité et ceux qui gèrent les lieux disposent».

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