Le classement aux Monuments historiques est bien souvent un outil de protection et un statut apprécié des propriétaires, notamment pour des raisons fiscales. Mais câest aussi une arme à double tranchant, sâaccompagnant dâimportantes contraintes ne convenant pas à tout le monde. Câest la raison pour laquelle les propriétaires dâun élégant hôtel particulier toulousain de style Art déco se battent depuis des années contre le classement de leur bâtiment, ordonné par le préfet de la région Occitanie en décembre 2018. Une lutte qui rappelle celle, plus radicale encore, du propriétaire dâune villa des Sables dâOlonne qui souhaite la faire détruire alors que la municipalité et le ministère de la Culture prônent sa protection.
Dans cette affaire relayée par La Dépêche du midi, les propriétaires et lâusufruitière de cet immeuble bordant le square Boulingrin à Toulouse contestaient le fait que le troisième étage et la toiture de leur hôtel particulier soient concernés par cette protection. Et pour cause: ils projetaient dây réaliser une surélévation de 500 m². Ils ont donc attaqué la décision de classement en réclamant 4,5 millions dâeuros de dédommagement si le classement était maintenu et 970.000 euros autrement (pour indemniser le préjudice moral et financier). Les propriétaires estiment principalement que les travaux menés en 1959 sur le 3e étage et la toiture se sont énormément éloignés de lâarchitecture dâorigine dâEdmond Pilette, ce qui ne permet pas le classement de cette partie de la construction car «cette reconstruction est dépourvue dâintérêt architectural au sens du code du patrimoine».
La justice ne lâa pas entendu de la même oreille. La cour dâappel administrative avait déjà souligné que les transformations de 1959 «nâont pas eu pour effet dâaltérer profondément ou de faire disparaître lâoriginalité du bâtiment, qui témoigne ainsi de lâÅuvre originelle réalisée par Pilette en 1932» . Le Conseil dâÃtat a largement repris cet argumentaire estimant quâil fallait bel et bien protéger lâintégralité de lâimmeuble «pour assurer la cohérence du dispositif de protection de lâensemble de lâimmeuble dont ils constituent la couverture et duquel ils sont indissociables». «Lâabsence de ressemblance historique ou architecturale entre les éléments construits en 1959 et les éléments dâorigine de style Art déco de 1932 nâont aucune incidence sur le rattachement du bâtiment dans son ensemble à lâÅuvre originale de Pilette», poursuit le conseil dâÃtat. La juridiction administrative suprême balaie également les demandes dâindemnisation, estimant que rien ne permet dâétablir que lâabandon du projet de surélévation soit directement lié à la mesure de classement de lâhôtel particulier.