Le gouvernement croit-il toujours en la rénovation énergétique? Évidemment, répondra-t-il, arguant avoir décidé de prolonger le dispositif dérogatoire autorisant le financement par geste, c’est-à-dire pour un seul pôle de travaux (remplacement des fenêtres, isolation des murs, installation d’une VMC…). Pourtant, dans le même temps, la réduction de près d’un milliard d’euros de l’enveloppe attribuée à MaPrimeRénov’, passant ainsi à 2,3 milliards, envoie le signal contraire : elle induit qu’il y aura moins de travaux énergétiques en 2025 alors que les objectifs 2024 sont loin d’être atteints.
Une nouvelle coupe dans le budget de l’Agence nationale pour l’habitat (Anah), après celle, déjà, d’un milliard d’euros en début d’année, tandis qu’il devait être de 5 milliards d’euros. Bruno Le Maire, ex-ministre de l’Économie, avait justifié ce coup de rabot par le fait que l’intégralité de l’enveloppe n’avait pas été consommée.
En 2023, il restait en effet 300 000 euros sur les 2,3 milliards et le budget 2025 sera donc du même ordre de grandeur que celui d’il y a deux ans. « L’État préfère maintenir des budgets que l’on dépense« , estime Isabelle Lonchampt, présidente régionale de la Fédération française du bâtiment.
La rénovation globale, « idéale » mais « pas réalisable »
Pour continuer d’inciter les Français à rénover leur logement, le Premier ministre a donc maintenu MaPrimeRénov’ pour le financement par geste, ce qu’avait retiré, en janvier, Bruno Le Maire, afin que les propriétaires se tournent vers la rénovation globale, avant de rétropédaler un mois plus tard, poussé par le secteur du bâtiment. « C’était un couac de l’Anah, rétabli le 15 mai, qui a fait perdre cinq mois à nos entreprises, regrette Isabelle Lonchampt. C’est vrai que l’idéal, c’est la rénovation globale, mais ça n’est pas réalisable, les ménages n’ont pas les moyens. Donc un geste, c’est toujours mieux que rien.«
Davantage favorable à la rénovation d’ampleur, avec le soutien d’un Accompagnateur rénov’ « afin que tout soit bien pensé« , Florent Pidoux, directeur adjoint de l’Agence locale de l’énergie et du climat (Alec) de Marseille, souhaiterait alors qu’une « notion de phasage » soit intégrée : « Une sorte de plan pluriannuel de travaux, comme pour les copropriétés, mais pour les particuliers, afin que leurs différents gestes de rénovation soient répartis dans le temps mais soient efficaces au final.«
Cette solution, la représentante de la FFB n’y croit pas : « Les particuliers, ce n’est pas comme les copropriétés, ils ne voudront pas s’engager sur plusieurs années, c’est trop risqué. Pour investir, il faut avoir confiance et ça n’est pas le cas. » Forcément, quand l’État fait de grandes annonces pour revenir dessus après un petit mois d’application… « Je suis d’ailleurs content qu’il n’y ait pas, encore une fois, une grande révolution, souffle Florent Pidoux. Maintenant, il faudra qu’il y ait plus de moyens investis sur la rénovation globale si on veut vraiment inciter les particuliers à effectuer des travaux qui ont du sens.«
Des DPE incohérents
Tous se rejoignent cependant sur un point : entre les aides nationales et les financements locaux, il faut simplifier les démarches. Didier Bertrand est de ceux-ci et cible notamment une incohérence dans le calendrier du DPE, celui-là même que Michel Barnier entend « assouplir » et « adapter« . « En fait, explique le président Paca de la Fédération nationale des agents immobiliers (Fnaim), deux plannings s’entrechoquent. Celui de la rénovation du parc existant, qu’il faut bel et bien mener mais de manière réaliste et réalisable, et celui des copropriétés. Or là, on oblige un propriétaire d’un appartement en F ou G à aller plus vite que sa copropriété.«
La loi Climat et résilience interdit en effet, dès le 1er janvier 2025, la mise en location de logements étiquetés G. Pour les F, ce doit être en 2028, et les E en 2034. Et, depuis le début de l’année, les copropriétés doivent fournir un PPT, un plan pluriannuel de travaux, dressant un état des lieux de l’immeuble et prévoyant les travaux à réaliser dans les dix ans. Or un propriétaire qui veut améliorer son appartement doit souvent obtenir l’accord de l’assemblée générale de sa copro. Quand les travaux n’incombent pas directement à tous les copropriétaires…
Bref, des incohérences en pagaille qui ne risquent pas d’être rendues plus claires par des DPE qui veulent parfois tout et rien dire, le même logement passant de C à F selon le diagnostiqueur…