C’est un projet complètement délirant. Comment imaginer construire une maison sur le toit d’un château en ruine, qui menace de s’effondrer ? C’est le pari fou qu’a relevé l’architecte Jean-Jacques Julien, à Goudet, en Haute-Loire (43). Et pourtant, il n’avait jamais imaginé habiter ici, sur ce champ de ruines. «J’ai eu un coup de cœur familial pour ce tas de cailloux. Je connaissais Goudet car petit j’y passais des vacances. Mon père, architecte de la Ville de Paris, y passait toutes ses vacances. Je me suis renseigné sur le château par pure émotion, par affection pour mon père», confie-t-il au Figaro.

Il découvre une sorte de «bougie qui a fondu tout en haut, un tas de pierres avec quelques murs seulement et de l’herbe partout». Il tombe quand même amoureux du château de Beaufort, juché sur un piton rocheux, ou plutôt de ce qu’il en reste, et entre donc en contact avec le propriétaire, Michel Guyot, également châtelain de Saint-Fargeau. Ce dernier lui rétorque: «Je comprends l’intérêt que vous portez au château mais sachez que vous n’en ferez rien. La Direction régionale des affaires culturelles, Drac, a fait un diagnostic qui anticipe que dans 15 ans il n’y aura plus rien. De plus, il n’existe aucune archive, donc pour la restauration du château, c’est impossible».

Sauver un monument historique en péril

Qu’à cela ne tienne. Jean-Jacques Julien ne se décourage pas. Impossible ne semble pas faire partie de son vocabulaire. «J’ai des fulgurances, j’ai dit j’achète», lance l’architecte. Le propriétaire s’est montré surpris de cet achat et a déclaré: «On se laisse 15 jours pour réfléchir?» mais l’architecte n’en démordait pas et a directement signé un chèque d’acompte. Même le père de l’architecte ne comprenait pas ce qu’il allait faire «d’un tas de cailloux». Une fois la vente actée, l’architecte se heurte à plusieurs obstacles: convaincre la Drac de la viabilité de son projet tout d’abord. «Par le plus grand des hasards, j’ai obtenu une autorisation de la Drac. J’ai expliqué qu’on était en face d’un monument historique en phase terminale, en train de disparaître. Je proposais de bloquer cette hémorragie de construction en l’occupant et en lui redonnant vie grâce à une construction vertueuse, réversible qui ne s’ancre pas dans le bâtiment mais se pose dessus, ne perturbe pas la lecture que l’on a du bâtiment. Contre toute attente, j’ai obtenu les autorisations au bout de deux ans, ce qui a scié tout le monde», déclare-t-il, fièrement.

Des trésors mis au jour

Il n’a pas le droit de reconstruire le château du 13e siècle qui est classé monument historique mais il peut juste consolider les ruines. En confortant les ruines et en retirant les mauvaises herbes, il a découvert une souche coincée dans un mur. En la retirant, une cour intérieure est apparue. Il a également mis au jour une salle voûtée. Des trésors à nul autre pareil. Dès la première année, les prédictions de la Drac commencent à se réaliser puisque Jean-Jacques Julien perd 10 à 15 mètres carrés de murs. Même la toiture végétalisée lui a donné du fil à retordre afin de se fondre dans le paysage. Il a fallu livrer les plantes et la terre par hélicoptère.

L’architecte parvient toutefois à donner vie à une maison contemporaine en bois et en verre juste au-dessus du château après trois ans de chantier. «C’est un projet vertueux, réversible, on peut le démonter. Il est juste posé sur le château, ne touche pas à l’intégrité du château et n’altère pas le paysage», se réjouit l’architecte. La maison contemporaine de 180 mètres carrés très discrète, se niche dans la forteresse de pierres. Elle offre tout le confort d’une demeure moderne et comporte 6 chambres. Quant au château de Beaufort, il renaît de ses cendres. Il ouvre ses portes au public chaque été. «Le château a une dimension sociale énorme. C’est un code dans le paysage, le signal d’une présence, d’une puissance, d’une autorité. Sa position dans les hauteurs est symbolique, entre Dieu et les peuples», conclut l’architecte.

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