Yann Jéhanno est président du réseau immobilier Laforêt. Il fait un point d’étape en cette moitié d’année sur la santé du marché immobilier, qui semble mieux se porter que le secteur du logement, et aborde ses perspectives, dans un contexte politique plus qu’incertain.
Pouvez-vous nous présenter votre enseigne ?
Laforêt est un réseau d’agences immobilières en franchise, créé en 1991. Il dénombre aujourd’hui 720 implantations en France pour 4 800 collaborateurs qui interviennent sur tous les métiers de l’immobilier. Nous réalisons près de 25 000 ventes et 25 000 locations chaque année. Nous gérons 70 000 logements en gestion locative et 10 000 en syndic de copropriété.
A qui appartient Laforêt aujourd’hui ?
Laforêt appartient au groupe Arche, qui détient également le réseau d’administration de biens Citya, les réseaux de franchise Guy Hoquet, Century 21 et Nestenn. C’est aujourd’hui l’un des principaux acteurs de l’immobilier en France.
Comment se porte l’immobilier aujourd’hui en France ? Est-ce devenu plus difficile d’acheter un logement ?
Nous sortons d’une année 2023 qui a marqué la fin des « années folles », puisque les années 2019, 2021 et 2022 ont été les seules à enregistrer plus d’un million de transactions dans l’immobilier ancien. 2023 a marqué la hausse des taux de crédit immobilier, la poussée de l’inflation et le retrait des volumes de vente. Nous avons donc démarré 2024 avec certaines appréhensions. Et puis, force est de constater qu’à l’issue du premier semestre, nous enregistrons un redressement du volume de ventes de 0,9%.
Il était nettement plus couteux d’acheter en 2023, puisqu’en deux ans les taux d’intérêt étaient passés d’1,06 % à 4,21 %. Ainsi, un ménage qui avait la capacité de rembourser 1 000 euros par mois sur 20 ans, pouvait prétendre emprunter 215 000 € en novembre 2021. Deux ans plus tard, en novembre 2023, ce ménage ne pouvait plus prétendre qu’à 160 000 € pour la même mensualité. Concrètement, nous parlons de 55 000 € de pouvoir d’achat immobilier en moins.
Aujourd’hui, les taux d’intérêt sont redescendus à 3,73 %, ce qui correspond peu ou prou à 5 % de pouvoir d’achat immobilier retrouvé. Avant la dissolution de l’assemblée nationale, les experts projetaient une fin d’année 2024 avec des taux d’intérêt autour de 3,30 %. Mais il faut que les candidats à l’achat intègrent qu’ils ne retrouveront vraisemblablement jamais les conditions d’accès au financement qu’ils ont connues sur les dernières années et qu’eux aussi, comme les vendeurs qui ont dû accepter la baisse des prix, doivent accepter la baisse de leur enveloppe financière et revoir leurs ambitions.
Y a-t-il une véritable baisse des prix aujourd’hui ?
Oui, en un an, au sein des agences du réseau Laforêt, les prix ont baissé de 4,1% au niveau national, à coupler avec la baisse des taux au cours des six derniers mois. Toutefois, il existe encore un écart entre certains territoires qui continuent d’être orientés à la hausse. C’est le cas de Biarritz ou de Nice, par exemple, où les prix continuent de progresser. Et puis des métropoles comme Bordeaux, Lille ou Lyon, où les prix continuent de reculer. A Paris, les prix ont baissé de 5,3 % au cours des 12 derniers mois. La correction des prix a tendance à s’étendre. De manière globale, le recul des prix se fait là où ils avaient fortement grimpés ; c’est notamment le cas en Ile-de-France.
Aujourd’hui, comment se porte le neuf ? Les constructions ont-elles diminué ?
Nous ne sommes pas spécialistes de l’immobilier neuf. Néanmoins, nous constatons que la construction est en berne depuis plusieurs années et qu’elle n’alimente plus le parc existant. Cette situation a un effet extrêmement néfaste, ne serait-ce que sur les prix, puisqu’elle entretient le phénomène de pénurie et donc la résistance des prix. Sans véritable relance de la construction et de la promotion immobilière, il n’y aura pas de baisse franche des prix.
Au regard de la situation politique actuelle, avec la dissolution de l’Assemblée nationale, envisagez-vous des changements dans le marché de l’immobilier ou c’est trop tôt pour le dire ?
Ce que l’on peut espérer de ce renouvellement et peut-être de ce redéploiement dans la gouvernance de notre pays, c’est que le logement soit reconsidéré, repositionné au centre de l’échiquier. Depuis plusieurs années, il n’y a plus de ministres du logement de plein exercice.
Dans la hiérarchie protocolaire, le ministre délégué au logement est relégué en bas du classement. Il ne pèse que très peu dans les arbitrages législatifs et budgétaires. Le logement, c’est pourtant le premier poste de dépense des français, c’est un toit pour sa famille, une adresse pour un emploi ou pour l’accès à l’éducation, c’est le principal patrimoine qu’on puisse encore se constituer aujourd’hui. J’espère qu’à l’occasion de ce nouveau brassage, le logement entrera pleinement au centre des discussions et qu’il sera traité comme il devrait l’être.
Il est essentiel de faire une différence entre le marché immobilier, en convalescence, et le logement qui, lui, est toujours aussi malade. Il est plus difficile que jamais, de devenir propriétaire pour la première fois, de devenir locataire du parc privé ou du parc social. Plus d’un million de jeunes actifs en France vivent encore chez leurs parents, 15% des étudiants doivent remettre en cause leurs projets d’études, faute de logement… L’immobilier est vecteur de croissance, il en a les attributs et l’a prouvé par le passé !
Avez-vous une vision optimiste du marché immobilier aujourd’hui ? Pensez-vous que les prix et les taux d’intérêt vont continuer à baisser ?
Nous n’emprunterons vraisemblablement plus jamais aux taux auxquels nous avons pu le faire au cours des dernières années. Le point d’équilibre se trouve probablement entre 3 et 4 % pour le crédit immobilier. En mai, nous étions autour de 3,70 % et avant la dissolution de l’assemblée nationale le consensus prévoyait un atterrissage autour de 3,30 % en fin d’année.
Il ne faut donc pas miser sur un recul fort du coût du crédit. En dehors du marché des résidences secondaires, sur lequel les prix sont souvent déconnectés de la réalité et les biens ne se vendent pas, la majorité des vendeurs font des efforts pour vendre leurs logements. Les acquéreurs qui font des concessions sur la zone de recherche, les travaux ou la surface, concrétisent leurs projets et deviennent propriétaires. Ceux qui observent le marché, en espérant une hypothétique chute des taux et des prix de l’immobilier, perdent un temps précieux. Ces dernières années ont été exceptionnelles aussi bien pour les vendeurs qui vendaient très cher que pour les acquéreurs qui ont bénéficié de taux extrêmement bas. Aujourd’hui, les vendeurs vendent moins cher et les acquéreurs achètent plus petit.
Dans ce contexte, comment voyez-vous l’avenir des agences immobilières ?
En début d’année, le tableau était assez sombre, pour les agences immobilières comme pour l’économie globale. Nous avons donc débuté 2024 par un redéploiement de l’animation de notre réseau. Six mois plus tard, nous sommes beaucoup plus sereins car le 1er semestre s’est mieux déroulé qu’attendu.
Nous poursuivons le développement de notre réseau en profitant des opportunités qui s’offrent à nous. D’après nos outils de géomarketing, nous devons atteindre 1.000 implantations pour mailler parfaitement le territoire. Nous proposons donc 400 opportunités de créer ou de reprendre une agence immobilière en France métropolitaine ou d’outre-mer. Nous poursuivons cet objectif sans confondre vitesse et précipitation. En parallèle, nous accélérons la stratégie de diversification initiée en 2012 : vente, location, gestion locative, syndic de copropriété et immobilier commercial. Cela nous permet de distribuer notre activité sur des segments qui suivent des cycles différents.